Plus jeune coureur à signer professionnel à 17 ans seulement, le jeune prodige allemand Marco Brenner a quitté cet hiver le Team dsm-firmenich pour rejoindre Tudor Pro Cycling. Un changement d’équipe qui sonne comme une renaissance pour celui qui a connu une saison 2023 « très difficile ». Entretien et portrait d’un coureur singulier.
Certaines victoires ont un goût particulier. Celle de Marco Brenner sur la 1ère étape de la Coppi e Bartali, mardi 19 mars 2024, en fait partie. D’abord, parce que c’est la première dans la carrière professionnelle de l’Allemand de 21 ans. Surtout, parce qu’après toutes les galères connues par le jeune prodige, ce succès, acquis grâce à une attaque à 4 kilomètres du but, marque un nouveau départ pour le natif de Berlin. « J’étais incroyablement heureux de cette victoire, j’ai eu du mal à réaliser, mais ça sonne surtout comme un immense soulagement pour moi », nous a-t-il confié dans un entretien une semaine plus tard.
Il faut dire que même s’il n’a que 21 printemps, l’Allemand court après ce succès depuis plus de 3 saisons. Passé pro à seulement 17 ans au sein du Team DSM, Brenner incarnait alors l’avenir du cyclisme allemand et portait de grands espoirs sur les épaules. Auteur de 21 victoires lors de sa première année chez les juniors en 2019, puis de 8 en 15 jours de course en 2020, le grimpeur-rouleur polyvalent du Team Auto Eder, équipe réserve de la Bora-Hansgrohe, écrasait tout sur son passage. Une véritable hégémonie sur tous les profils qui a tapé dans l’œil de plusieurs formations WT. Mais c’est bien DSM, réputée pour la qualité de sa formation, qui a remporté la mise.
2023, saison galère : « J’ai perdu le plaisir à faire du vélo »
Si 2021 est une réelle année d’apprentissage, Brenner montre de beaux progrès en 2022. En grande forme sur le Tour de Norvège, il termine 8e de la très exigeante 3e étape, entre Cian Uijtdeboreks, Esteban Chaves, Magnus Sheffield et Tao Geoghegan Hart, et occupe alors la 5e place du général. Mais l’Allemand est testé positif au Covid et doit se retirer de la course qui aurait pu le lancer. « J’en retiens vraiment du positif, car j’ai vu que j’avais convaincu le public et mon équipe, cela m’a aussi mis un peu de pression car je savais qu’il me fallait du repos pour retrouver ce niveau-là. Mais cela m’a donné beaucoup de confiance », nous avait-il confié. S’il revient avec quelques belles performances (5e du chrono du Tour de Pologne, 5e de la 12e étape de la Vuelta pour son premier GT), Brenner termine 2022 avec une légère frustration mais beaucoup d’espoir pour 2023.
Sauf que la saison ne se déroule pas comme voulu, en raison de problèmes persistants au dos. « J’ai eu un accident lorsque j’étais chez les juniors », raconte le jeune homme. « Je suis tombé d’un tracteur. La douleur m’a toujours accompagné, mais l’an passé c’était assez grave ». A tel point qu’il a « perdu le plaisir que j’avais à faire du vélo, c’était une année vraiment très difficile ». « J’ai dû beaucoup travailler pour trouver des solutions, j’ai notamment changé de chaussures et de position », confie-t-il. C’est d’ailleurs une des raisons évoquées de son éviction de la sélection pour la dernière Vuelta par son équipe, puisque ces changements n’auraient pas été discutés avec le staff. Un épisode qui a accéléré son départ de DSM.
« Avec le recul, je me dis que faire un an de plus en U23 ne m’aurait pas desservi. »
Si ses douleurs au dos ne sont pas résolues à 100%, l’obligeant à faire des contrôles réguliers, Brenner a trouvé chez Tudor les conditions pour se relancer et retrouver du plaisir. « Tudor m’a présenté le projet, c’est une équipe qui monte et ça m’a vite impressionné. C’est un projet initialement orienté vers les jeunes et je suis encore assez jeune, donc le projet m’a convaincu et je veux contribuer à faire encore grandir cette équipe », avoue l’Allemand. « Ce qui me plaît beaucoup, c’est d’avoir beaucoup de liberté et de pouvoir être offensif pour retrouver de bonnes sensations. J’ai un super programme, avec des petites et des grandes courses comme Tirreno Adriatico. Et sur les plus petites courses, j’ai la possibilité d’attaquer et de tenter ma chance, et c’est super. » On a vu notamment l’Allemand en échappée sur l’Etoile de Bessèges puis sur Coppi e Bartali, ce qui lui a permis de décrocher ce succès tant attendu.
Fondateur et gestionnaire d’une équipe junior
Mais en plus de ce changement d’équipe salvateur, Brenner a rouvé une partie de son épanouissement ailleurs : en parallèle de sa carrière, le Berlinois s’est lancé dans un projet de création d’équipe, le Team Walter Fensterbau – Marco Brenner. Composée de 14 juniors, la structure, créée en 2023, ambitionne de donner toutes les clés aux jeunes coureurs pour devenir professionnels. « C’était une façon pour moi de me lancer dans un projet différent, car je ne fais pas de sport mais il s’agit de management, de gestion, de marketing, de discussion avec les sponsors, etc. Cela me plaît beaucoup », commente Brenner. Ces jeunes bénéficieront donc de l’expérience du champion d’Allemagne juniors 2019, de seulement 5 ans leur ainé, et de ses conseils avisés. Notamment à propos du passage en pro.
« Avec le recul, je me dis que faire un an de plus en U23 ne m’aurait pas desservi. C’est difficile à dire, ça aurait peut-être été bien pour mon développement, mais comme j’étais en super forme et sur une super dynamique à l’époque, je me sentais vraiment prêt. J’ai pu prendre énormément d’expérience très rapidement, donc je ne regrette pas. » Une lucidité qui montre une certaine humilité.
Marco Brenner se tourne vers l'avenir en 2024 :
L’Allemand est bien tourné vers l’avenir, et cela passe par une suite de la saison alléchante, avec le Tour des Abruzzes et le Tour de Romandie au programme, avant de terminer par les classiques italiennes de fin de saison. Et ce qu’il espère, c’est de un Grand Tour l’an prochain. « C’est vraiment ce que je vise pour 2025, et jouer plus souvent le classement général des courses, car même si j’affectionne les courses d’un jour, je suis avant tout un coureur de classement général, et je pense avoir encore des choses à faire sur ce format », conclue-t-il. Et ce n’est pas le Team Tudor, engagé dans une formidable remontée au classement UCI et invité au Giro cette année, qui dira le contraire.
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