En pleine préparation des dernières courses de la saison en Italie, Guillaume Martin s'est confié en exclusivité à Vélofuté. Le Français tire le bilan de sa saison, évoque ses ambitions futures, son évolution et son ressenti sur l'actualité. Entretien riche avec le leader de la Cofidis.
Quel bilan tirez-vous de cette saison 2023 ?
Il y a des points négatifs, notamment le fait de ne pas avoir levé les bras. En dehors de ça, j'ai vécu une année contrastée avec un début de saison compliqué. J'ai eu le Covid en début d'année, qui a trainé en forme de Covid long et j'ai commencé seulement à émerger en avril, avec les classiques françaises. Il y a ensuite eu cette belle 6e place à Liège, et je me suis vraiment retrouvé cet été sur le Dauphiné (6e) puis sur le Tour (10e).
Jusque-là, vous semblez en forme en Italie, n'est-ce pas ?
Oui pas mal, après en fin de saison on a souvent des jours aléatoires. Des fois je me sens vraiment bien un jour, puis beaucoup moins bien par la suite. Pour gagner, il suffit d'une bonne journée. Je vais aller sur les Trois Vallées Varésines, le Gran Piemonte puis le Tour de Lombardie avant de conclure lors de la Japan Cup. J'espère avoir quelques bonnes journées.
Laquelle de ces courses vous convient le mieux ? Les Trois Vallées Varésines peut-être ?
Oui c'est ça, avec le Gran Piemonte aussi, c'est là que j'ai le plus de chance de scorer. J'ai vu la startlist du Tour d'Emilie et il y a de très gros noms. Il y a vraiment des spécialistes de ce type d'arrivées explosives donc ça sera compliqué de gagner sur cette course.
Vous semblez mieux réussir sur les courses longues. Pensez-vous que les classiques sont idéales pour vous ?
J'ai toujours aimé quand ça se joue plutôt sur l'endurance que sur l'explosivité. C'est pour ça que je m'exprime bien sur les courses à étapes et le Tour. Pour ce qui est des classiques, sur une montée brute j'aurais toujours un peu de mal mais sur la répétition des efforts, je suis capable d'enchainer, comme sur Liège cette année. Ça me convient bien.
Vous évoquiez le Tour de France qui a été exceptionnel pour Cofidis. Avez-vous ce regret malgré tout de ne pas avoir levé les bras ?
On veut toujours plus. Évidemment, j'aurais aimé pouvoir gagner mais en visant le général, ce n'était pas forcément la manière la plus évidente de le faire. Et puis j'ai participé à la victoire de Ion, sur laquelle j'ai été acteur. Mais je voulais vraiment viser le général cette année. Malheureusement j'ai perdu du temps en début de Tour à cause d'une crevaison suite aux punaises jetées sur la route. Mais au final, ça ne change pas grand chose et j'étais plutôt à ma place je pense.
A l'avenir, comptez-vous continuer à jouer le général ou plutôt viser les étapes ?
Moi j'aime ça, viser le général. Je continue de penser que c'est le plus noble dans le vélo et je trouverais ça dommage s'il n'y avait que 4-5 coureurs qui jouaient le général. Ça serait triste pour les spectateurs aussi. Et puis il ne faut pas oublier les points UCI, de plus en plus importants pour les équipes.
Pensez-vous que Cofidis est l'équipe parfaite pour vous ?
Je ne sais pas s'il y a des équipes parfaites, mais disons que j'ai la chance chez Cofidis d'avoir une certaine liberté et des responsabilités. D'être bien cadré en terme de matériel, sur les aspects performances et nutrition. Je m'y sens bien.
Comment réagissez-vous aux déclarations de Richard Plugge (Jumbo-Visma) qui explique que son équipe est plus professionnelle que les autres ?
Ils sont peut-être aussi plus professionnels parce qu'ils ont plus d'argent. C'est quand même plus facile quand tu as les moyens. Après, de notre côté on fait aussi des stages en altitude, on fait aussi attention à notre alimentation. Cependant, il y a peut-être des choses qu'on ne fait pas bien et il faut toujours être attentif aux possibles évolutions. Les équipes françaises sont très anciennes, ce qui est une chance, mais parfois ça implique un côté vieille école que n'ont pas les nouvelles équipes, qui ont peut-être une approche plus moderne et scientifique. Il y a peut-être encore quelque verrous à faire sauter en France.
On ne vous a jamais senti aussi fort que lors de la saison 2020, notamment sur le Dauphiné (3e) et le Tour (11e). Depuis, on a l'impression que vous courrez après ce niveau de performance. Le ressentez-vous aussi ?
Je suis complètement d'accord avec ça. C'était une année particulière, pendant le Covid. Depuis je n'ai pas vraiment retrouvé ces sensations. Ça s'explique peut-être par cette coupure forcée. Je n'ai pas sorti le vélo pendant le confinement et me forcer à ne pas rouler a été vraiment bénéfique pour moi. J'ai souvent été bon en revenant de blessure. C'est paradoxal mais je sais comment faire pour être en forme, d'ailleurs j'essaie de moins rouler. Cette année, je n'ai que 75 jours de course contre 90 en 2021. J'essaie de lutter contre moi-même pour essayer d'en faire moins.
Cependant, il y a un autre indicateur à prendre en compte. Je n'avais pas de capteur de puissance en 2020 donc je ne suis pas capable de situer exactement mon niveau. Mais je l'avais en 2021 et je sais qu'en deux ans seulement, il faut faire beaucoup plus de watts pour rentrer dans le top 10. Cette année sur le Tour, j'ai fais mes meilleurs chiffres, mais c'est passé inaperçu car le niveau était tellement élevé. Marie-Blanque par exemple, je l'ai montée une minute plus vite qu'en 2020. C'est bien la preuve que le niveau global a augmenté. J'ai discuté avec David Gaudu qui m'a aussi dit qu'il avait fait plus de watts en 2023 pour finir 9e qu'en 2022 pour faire 4e.
Comment l'expliquez-vous ? Les autres progressent plus vite ?
Oui, on voit que Vingegaard est monté plus vite d'une minute par rapport à Pogacar en 2020. C'est vrai que le bitume a été refait mais globalement la plupart des temps d'ascension ont été explosés cette année. Donc c'est peut-être aussi que les coureurs sont meilleurs tout simplement. C'est logique en un sens que les performances évoluent et peut-être que pour moi elle ne progressent pas aussi vite.
Quel regard portez-vous sur la fusion entre Jumbo-Visma et Soudal-QuickStep ?
J'avoue que je ne sais pas quoi en penser. Je ne sais pas si c'est vrai mais j'espère que ça n'est pas prévu pour 2024. Il y a des coureurs chez Cofidis qui sont encore sans contrat et si on perd une équipe, ça risque de mettre des coureurs au chômage. Et pas seulement ceux des équipes concernées.
Et est-ce que c'est une bonne chose pour le vélo ? Je n'en suis pas certain. Quand on concentre les richesses, que ce soit en économie ou dans le monde du vélo et du sport, il n'en sort pas que du bon. Égalité veut dire plus de spectacle mais si on a les meilleurs dans une équipe... Déjà que c'est un peu le cas chez Jumbo, alors si on rajoute ceux de QuickStep, ça devient très compliqué. On l'a vu sur la Vuelta, déjà. Qu'estce que ça aurait été si Remco était chez Jumbo en plus ? Je pense que ce sont des scénarii qu'il faut essayer d'éviter. Si on n'avait pas eu le duel Pogacar-Vingegaard sur le Tour de France, ça aurait été beaucoup moins intéressant pour le vélo.
On a eu l'occasion de lire et faire gagner vos deux livres en concours. Est-ce qu'un autre est dans les tuyaux ?
Oui [rires]. J'ai un nouveau projet mais c'est un peu tôt pour en parler. Je n'ai écrit qu'une ébauche pour l'instant. J'en ai parlé avec l'éditeur. Mais c'est trop tôt pour parler d'une date de sortie et autres.
Sur quel thème ?
Plutôt un roman, cette fois en m'éloignant un peu du vélo. J'aime mélanger les genres donc je parlerai aussi de philosophie ou d'autofiction sur mon parcours personnel. Un peu à la manière de Socrate à Vélo mais en me rapprochant de la forme du roman. La saison littéraire arrive quand la saison cycliste se termine, donc c'est le bon moment.
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