Guillaume Martin (Groupama FDJ) : "La course décidera du leadership sur le Tour de France 2025 naturellement"
- Titouan Lallemand
- 9 juin
- 6 min de lecture
Après la première étape du Critérium du Dauphiné, Guillaume Martin nous a accordé vingt bonnes minutes d'interview exclusive. Au programme : le Dauphiné, le Tour de France, mais aussi son arrivée chez Groupama, ses premiers pas en course et son entraînement.

Comment tu t’es senti sur cette première étape du Dauphiné ? Tu t’attendais à un tel scénario ?
Je pensais qu’il y aurait du mouvement dans la dernière bosse, mais je pensais aussi que ça allait revenir. Après, sur le Dauphiné, on a souvent ce genre de scénario avec des petites routes dans le final. Est-ce que Vingegaard aurait tenté ça sur le Tour ? Pas sûr, car il y a moins d’enjeux ici. Mais de l’intérieur, c’était quand même une belle bagarre. De mon côté, j’étais beaucoup trop mal placé pour y prendre part.
Tu aurais pu te mêler à cette lutte ou tu préférais temporiser ?
C’était très explosif, donc pas vraiment dans mes qualités, mais j’ai su revenir sur le haut de la bosse quand même. J’aurais aimé y participer, mais je pense que j’aurai de meilleures chances en fin de semaine.
Comment s’est passée ton arrivée chez Groupama-FDJ ?
Eh bah bien ! [Rires] Après six mois, on peut dire que le bilan est positif. J’ai vécu pas mal de changements, ce qui est compliqué après dix ans de carrière. Mais je sens que je continue à progresser.
Tu progresses parce que Groupama-FDJ a mis de nouvelles choses en place pour toi à l'entraînement ?
Il n’y a rien de révolutionnaire dans l’entraînement. Ce n’est pas mieux, c’est juste différent. Mais j’aimerais élargir la réflexion à tous les aspects de la performance. En termes de nutrition, de stratégie d’équipe, de direction sportive ou d’ambiance générale dans l'équipe, tout ça contribue à me rendre plus serein.
Comme la course aux points ?
Oui, totalement.
"J'étais un peu vexé d'avoir d'avoir été refusé"
Tu avais été refusé par Groupama-FDJ en début de carrière. Comment tu vis le fait d’y être finalement, après tant d’années ? Est-ce une forme de revanche ?
Non, non, ce n’était pas mon objectif de carrière de rejoindre la FDJ. Ça s’est fait assez naturellement. J’étais un peu vexé à l’époque d’avoir été refusé, et j’étais assez fermé à l’idée de rejoindre l’équipe. Puis l’an dernier, des discussions se sont établies. J’ai compris que beaucoup de choses avaient changé, et que c’était profitable pour la suite de ma carrière, tout simplement.
C’est le changement de direction qui t’a poussé à changer d’avis ?
Oui, après on a tous changé, y compris moi-même. Tout change en dix ans.
Tu as remporté deux belles victoires au Tour du Jura et à la Classic Besançon. Tu y as été impressionnant. Tu as vécu ça comme une libération, un gain de confiance ?
Oui, oui ! J’étais très heureux du week-end, et aussi de la course de l’équipe. Mais pour remettre les choses en perspective : il y a deux ans, j’avais monté l’ascension plus vite. Parfois, il faut se méfier des apparences. J’étais bien, mais pas exceptionnel non plus. Il n’y a pas eu de révolution. En revanche, ça m’a clairement apporté de la confiance, notamment pour les Ardennaises. Ça ne s’est peut-être pas trop vu dans les résultats, mais faire 11e de la Flèche Wallonne, très explosive, après avoir dû boucher un trou, ça voulait dire que j’étais bien. Et à Liège, j’étais pas loin de revenir sur Ciccone. Donc en termes de niveau, j’ai plus de fierté pour Liège que pour le week-end en Franche-Comté, où la concurrence était moins dense.
On peut dire que ta préparation pour le Tour de France se passe bien. Tu montes en pression depuis le début de saison, non ?
C’est vrai que je suis monté en pression ! J’avais une tendinite sur le premier mois et demi de compétition, donc je n’étais pas à 100 %. Ça s’est arrangé après Paris-Nice, et j’ai pu faire un beau Tour du Pays basque. Après, il y a eu un petit micmac : j’ai chuté dans les trois derniers kilomètres, et je n’ai pas été reclassé. Pourtant, à la pédale, j’étais 7e. Au final, je finis 11e ou 12e, je ne sais plus. C’était le signe que j’étais revenu à un bon niveau, et les courses suivantes l’ont confirmé.
"J'ai rallongé mon stage en altitude pour me rapprocher le plus possible du Tour de France 2025"
Et ensuite, tu es parti en altitude ?
Oui, et la nouveauté, c’est que je ne suis pas repassé chez moi après le stage. Je suis venu directement ici pour que ce soit le plus rapproché possible du Tour de France. On verra si ça porte ses fruits. C’est la première fois que je fais ça, donc je ne sais pas encore comment mon corps va réagir. Et comme je n’ai pas couru depuis longtemps, il y a toujours un peu d’incertitude au moment de reprendre.
Après quelques jours, tu devrais donc être en jambe pour la fin de semaine ?
Oui, c’est ce qui m’intéresse : ce dernier week-end, et particulièrement l’étape de samedi, vraiment taillée pour les grimpeurs, avec des cols longs et mythiques. Ce sera la journée la plus intéressante.
On t’a placé 10e dans notre liste de favoris. Quel est ton objectif ici ?
Sur toutes les courses par étapes, je vise le top 10. Quand ce ne sera plus le cas, ce sera peut-être le moment d’arrêter ! [Rires] Donc oui, je vise le top 10, voire une victoire d’étape. Mais ça va être difficile d’avoir une ouverture avec la concurrence qu’il y a au départ. L’essentiel sera surtout que les jambes répondent en montagne.
"Avec Gaudu, on a assez d'expérience pour savoir que c'est la course qui décidera"
Et puis le parcours n’aide pas, avec trois arrivées au sommet. Concernant le Tour de France, tu vas partager le leadership avec David Gaudu. Comment va se passer votre collaboration ? Comment seront répartis les rôles ? Tu appréhendes la situation ?
Je n’appréhende pas. Ce n’est pas quelque chose qui m’inquiète. Il y a déjà assez de concurrence externe ! On est tous les deux des coureurs expérimentés, et l’équipe aussi. On sait que c’est la course qui décidera. La première semaine est très piégeuse et dynamique, donc malheureusement, il peut y avoir des chutes, des cassures, qui détermineront si je vise moi-même le général ou des étapes. Sur le papier ? En vérité, je n’y pense pas. Aujourd’hui, le 10e finit à 30 minutes, donc on peut très bien viser un top 10 et une victoire d’étape. Ce n’est pas incompatible.
Tu es satisfait du parcours du Tour, avec seulement un vrai chrono ?
Il passe surtout chez moi, donc je suis très content ! Le chrono plat à Caen, passe vraiment pas loin de chez moi, à 40 minutes au sud. L’étape de Vire, le lendemain, passe carrément dans mon village. On va passer dans le village où j’étais en primaire, puis celui du collège, et enfin dans la ville de mon lycée. Je vais avoir des supporters sur le bord des routes, oui ! [rires]
Sur un chrono de 30 kilomètres, tu penses perdre combien ? Trois minutes ?
Oui, environ. Mais en vérité, ça a peu d’importance pour le top 10. C’est surtout pour le podium ou la victoire que ça joue. Au final, il y a souvent tellement d’écart que ça ne change pas grand-chose. Ça peut même être un avantage : on peut prendre rapidement une échappée et se replacer. Après, je ne sais pas s’il y aura de gros écarts. Pour l’avoir reconnu, c’est vraiment un tracé très rapide, et souvent, quand c’est rapide, les écarts sont réduits.
Pour terminer, on sait que tu t’entraînes beaucoup sur l’Etna, un lieu que tu adores. Qu’est-ce que ça te fait de ne plus pouvoir y aller en ce moment ? C’est la panique ? [Rires]
Oui, avec l’éruption, c’est clair ! Et en plus, Groupama-FDJ a plutôt l’habitude d’aller au Teide. Ils ne sont allés qu’une fois sur l’Etna, mais je fais un peu de lobbying pour qu’on y retourne, en espérant que l’éruption soit terminée. Le plus important, c’est qu’il n’y ait pas de blessés ou de dégâts matériels trop importants.
Merci Guillaume pour cet échange toujours passionnant !
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