Vainqueur du Tour de l’Avenir l’an dernier, Isaac Del Toro n’aura pas mis longtemps pour s’exprimer chez les professionnels, confirmant tout son talent et montant sur le podium du général dès sa première course World Tour. Un petit exploit finalement révélateur d’un coureur qui a tout surmonté, tout essayé, sans jamais se disperser.
Difficile de savoir qui du Tour de l’Avenir ou d’une place dans l’effectif luxuriant d’UAE Team Emirates est le plus symbolique d’un immense talent. On aurait presque tendance à dire le deuxième, vu que le premier n’a pas toujours garanti une explosion au plus haut niveau. On patientera encore avant de pouvoir affirmer cela d’Isaac Del Toro mais le nom du Mexicain est déjà sur toutes les lèvres. Victorieux d’une étape et 3e du classement général du Tour Down Under, il n’a pas manqué ses débuts en World Tour et tout le monde se demande jusqu’où il peut aller. "C'est trop tôt pour le dire, il faut voir, temporisait pour l’AFP Marco Marcato, directeur sportif d'UAE. Mais c'est clair que Del Toro a l'avenir devant lui. Il est déjà très fort et il va encore progresser". Il faut dire que sa progression est jusqu’ici spectaculaire.
Il a cru à la fin de carrière en 2022
Poussé au sport par ses parents ("ils voulaient que mon frère et moi soyons des sportifs", disait-il pour Volata), Del Toro tarde pourtant à se mettre au cyclisme. A Ensenada, sa ville natale en Basse-Californie à 2h de la frontière américaine, on pratique plutôt le football, le surf ou le baseball, la faute à la forte influence US. Lui préfère les courses de vélo avec son frère mais est bien loin de s’imaginer alors un avenir dans le cyclisme. Mais lorsque la possibilité de rejoindre une nouvelle équipe, la Monex, se présente, le jeune Mexicain de 15 ans n’hésite pas. "C’était une opportunité que je ne pouvais manquer", racontait-il à Global Cycling Network (GCN) en décembre. Il ne l’a pas manquée.
Il faudra tout de même patienter, plusieurs années, le temps de toucher à toutes les disciplines (39e du championnat du monde Juniors de VTT en 2021, 20e des Mondiaux espoirs de cyclo-cross en 2023) et pour la Monex de passer sous pavillon saint-marinais, avant de le voir exploser. La faute à une fracture du fémur en 2022, juste après un premier résultat encourageant au Tour du Val d’Aoste (22e), qui l’a contraint à rester plus de sept mois sur le flanc. "J'ai cru que c'était la fin de ma carrière", rappelait-il fin décembre. Elle n’a fait que renforcer le mental d’un coureur habitué à franchir tous les obstacles sur sa route. Le Mexicain aurait pu se perdre en Europe, comme tant d’autres jeunes Nord ou Sud-Américains auparavant. Mais pas lui. "J'étais loin de la famille et des amis, mais j'étais bien accompagné, expliquait-il. Et ça m'a permis de rester concentré, loin des distractions." Une maturité impressionnante qui s'est reflétée, l’an passé, lors de sa victoire sur le Tour de l’Avenir.
Des qualités tout-terrain, mais pas seulement
Celui qui ne portera sans doute jamais son maillot national en World Tour (NDLR : en raison d’affaires de corruption au sein de la fédération mexicaine de cyclisme, cette dernière n’est plus reconnue par l’UCI depuis 2021 et les championnats ne sont pas officiellement organisés) impressionne alors par son talent, mais aussi et surtout par son sens de la course, rare à cet âge. "On ne le connaissait pas trop et il a marché très, très fort, se souvient pour l’Equipe Pierre-Yves Chatelon, sélectionneur de l'équipe de France. Sans coup d'éclat mais tout le temps présent, il a commencé à tricoter son maillot (de vainqueur) avant même la montagne, dès la première arrivée un peu punchy, jusqu'au dernier jour où il renverse le général". Et cela, seul, face pourtant à la force collective italienne. Mais il ne s'est jamais trompé. "Il est bon en montagne mais aussi très à l'aise dans le peloton et il lit bien la course, confirme Marco Marcato. Il a encore beaucoup à apprendre mais, visiblement, il apprend vite". Devenu le 3e vainqueur du Tour d’Avenir à signer chez UAE Team Emirates après Juan Ayuso (vainqueur en 2021) et surtout Tadej Pogacar (vainqueur en 2018), il ne pouvait éviter les comparaisons avec le Slovène.
"Une attaque Pogacar-esque", s'est ainsi enthousiasmé la légende du sprint australien Robbie McEwen lors de son démarrage au kilomètre, lors de sa victoire sur la 2e étape du Tour Down Under. Un succès qui en a fait le premier Mexicain depuis Julio Perez Cuapio (vainqueur d’étapes sur le Giro 2002) à s'être imposé au plus haut niveau. Dans le style, les similitudes avec Pogacar sont nombreuses et son profil, tout terrain, en est une autre. En Australie, on l’a vu attaquer d’entrée pour jouer les bonifications, réussir le coup du kilomètre, jouer avec les meilleurs grimpeurs/puncheurs au Willunga Hill et multiplier les offensives le dernier jour… Rajouter à cela des qualités de grimpeur évidentes vu son gabarit longiligne et ce qu’il a montré au Tour de l’Avenir et vous obtenez l’archétype du coureur complet, ce qu’il rêve de devenir. "J’aimerais être un cycliste polyvalent", avouait-il pour Volata, en toute humilité. Car pas question de changer malgré la notoriété.
M’amuser autant dans 10 ans qu’aujourd’hui
S’il est promis à un grand avenir, Del Toro n’en oublie pas de garder la tête sur les épaules. "C’est un gros talent, intelligent, avec un caractère de champion, détaille pour l’Equipe Joxean Matxin. Mais c’est aussi un coureur de classe, humble, pas le genre de coureur agressif qui dit qu'il va tout gagner". Et ce n’est pas Del Toro qui nous laissera penser le contraire. "Je peux bien faire les choses, c'est tout ce que je veux, explique dans Volata le Mexicain. Je sais que je peux être bon mais je ne sais pas à quel point, J’apprends constamment quelque chose de jour en jour. Dans dix ans, j’espère pouvoir encore m’amuser autant qu’aujourd’hui". Et s’il peut gagner au passage, et même beaucoup, il ne compte pas s’en priver.
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