Auteur de 154 sprints victorieux en carrière, André Greipel a marqué la discipline du sprint au 21e siècle et restera longtemps comme l’un des derniers purs sprinteurs. Retraité depuis 2021, l’Allemand aux cuisses monstrueuses s’est imposé sur les trois Grands Tours, méritant ainsi sa place de 3e meilleur sprinteur du siècle.
Il est assez rare pour un sportif d’obtenir un surnom réputé et connu de tous. Encore plus lorsque ce surnom fait référence à un animal. On connait le Taureau de Manacor, certes moins employé que « Rafa », mais l’image parle à tout le monde. Alors il va sans dire que le gorille de Rostock est certainement le meilleur surnom d’animal porté par un cycliste, voire par un sportif, tant l’image est adaptée. Avec des cuisses et des mollets d’une circonférence à en faire pâlir un rugbyman, André Greipel s’est fait une réputation à la hauteur de son physique hors norme. Avec 154 victoires en professionnel en 15 ans de carrière, le natif de Rostock a laissé son nom au palmarès de très nombreuses courses et figure, logiquement, à la 3e place de notre classement.
Pourquoi lui ?
154 victoires, évidemment, cela place un bonhomme. Entre 2008 et 2015, l’Allemand en a même enlevé 132, soit une moyenne ahurissante de plus de 15 victoires par saison. Avec des pics à 20 et 21 en 2009 et 2010. Des chiffres dont seuls Cavendish ou Pogacar 2024 peuvent se vanter. Surtout, il a fait démonstration de sa puissance sur toutes les plus grandes courses du monde : vainqueur sur les trois Grands Tours, dont 11 fois sur le Tour de France, 7 sur la Vuelta et 4 sur la Vuelta, vainqueur de la Cyclassics Hambourg, le Mondial des sprinteurs, ou encore 7 étapes de l’Eneco Tour. Et pour encore plus marquer le coup, il détient le record de victoires d’étape sur le Tour Down Under, avec 18 victoires en 9 participations, soit un agréable pactole de deux victoires par participation. Même les Australiens, qui font de leur seule course WT un objectif majeur, n’ont pas réussi à l’approcher, puisque Robbie McEwen n’est qu’à 12 succès et autant de participations.
Greipel est d’ailleurs certainement le dernier symbole d’une génération de purs sprinteurs, incapables de passer la moindre bosse mais intraitable pour finir une étape de plaine et fructifier le gros travail de ses coéquipiers. Aux côtés des Cavendish et Kittel, succédant aux Freire, Petacchi ou McEwen, il est certainement le dernier, avec Cavendish, à incarner cette race à part. C’est d’ailleurs une autre marque de la grandeur de l’Allemand : contemporain du meilleur sprinteur de l’histoire, il a dû faire ses preuves et sa place dans la même équipe que le Manx Missile, dans le collectif Colombia. Ce qui l’a probablement privé de deux années de Tour de France en 2009 et 2010. Malgré cela, il a conquis de très nombreux bouquets à la force de ses cuisses en acier, et son podium est plus que logique et mérité. Gratulation, André !
Son plus beau sprint :
Comment ne garder qu’un seul sprint dans une sélection de 154 victoires ? C’est presque impossible et soyons honnête, nous ne les avons pas tous revus (seulement une bonne cinquantaine). Mais pour arriver à un résultat pour remplir cette section, on a choisi de retenir une victoire sur une course prestigieuse, face à un plateau de haut niveau et acquise de haute lutte. Et sur ces trois critères, le plus beau sprint de la carrière de Greipel est, selon nous, celui de la 10e étape du Tour de France 2011. D’abord, parce que c’est le Tour, et qu’à cette époque, avec une petite dizaine d’étapes réservées aux sprinteurs, il n’y avait pas vraiment plus prestigieux. Ensuite, parce qu’il devance Mark Cavendish, de très loin le meilleur sprinteur du monde et autour de sa plus grande saison (6 étapes du Tour, maillot vert et champion du monde 2 mois plus tard). Enfin, parce que la manière est là. Ce sprint avec un virage à 150m de l’arrivée n’a pas permis au train de l’Anglais de le déposer sur la ligne. Au contraire, Cavendish et Greipel se retrouvent sur la même ligne sur les 200 derniers mètres avec comme seule solution de tout donner pour l’emporter. Au prix d’un effort colossal jusqu’au dernier millimètre, Greipel l’emporte d’un souffle. Pas besoin de capteur de puissance pour apprécier les watts développés par les cuisses monstrueuses du gorille de Rostock. Voyez par vous-même sur la vidéo ci-dessous.
Ce qu’il lui manque :
Pour un sprinteur, encore plus au 21e siècle, il existe peu mais plusieurs lignes à aligner au palmarès. Une victoire d’étape sur les trois Grands Tours, une victoire sur les Champs-Elysées, dernière étape du Tour, une victoire sur la classique d’Hambourg, véritable mondial des sprinteurs, Milan-San Remo, et le Mondial. Greipel est parvenu, avec brio, à cocher les trois premières cases. Mais il n’a pas réussi ce que Cavendish a accompli, accrocher la Primavera et porter le maillot arc-en-ciel.
Pour le Monument italien, Greipel n’a jamais vraiment eu sa chance. 2009 et 2010 sont les deux dernières éditions remportées par des purs sprinteurs avant que les puncheurs ne fassent leur l’arrivée avec le Poggio. Cavendish s’est d’ailleurs imposé en 2009 et Greipel n’a pas pu courir ces deux éditions. Il n’a ensuite jamais pris part au sprint pour la gagne, lâché pour les puncheurs. Ensuite, pour le Mondial, l’histoire est plus ou moins la même. L’Allemand n’a eu que deux occasions : 2011 et 2016. La première fois, il échoue sur le podium, battu par Cavendish, intouchable cette année-là. Et au Qatar en 2016, il tombe face à un Sagan imbattable sur sa course irisée. Et c’est ce qui différencie les grands sprinteurs, comme Greipel, des tout meilleurs de l’histoire, comme Cavendish.
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