Avec 88 victoires à l’aube de la saison 2023, Arnaud Démare figure à la dixième place de notre classement des meilleurs sprinteurs du siècle. Sprinteur puissant également capable de s’exprimer sur les classiques, le Picard est le seul Français à avoir intégré la caste des meilleurs sprinteurs.
Quand Arnaud Démare s’est offert les meilleurs sprinteurs de l’époque, à l’occasion de la Vatenfall 2012, la France a su qu’elle tenait un joyau du sprint. Pour sa première année professionnelle, le champion du monde espoir 2011 avait de suite montré de quoi il était capable. Et s’il a fallu attendre plusieurs années pour le voir gagner en Grands Tours, le Picard n’a jamais cessé d’enchainer les victoires. Au point d’éclipser l’autre sprinteur de la FDJ alors, Nacer Bouhanni, parti vers d’autres cieux. Au point que l’équipe construise un véritable train à son service. Sprinteur puissant, Démare n’a jamais été aussi à l’aise que lorsqu’il sprinte de devant. Se faufiler, ce n’est pas vraiment sa tasse de thé. Dominer les autres en force en lançant de devant, oui. Plus de dix ans après ses débuts professionnels, le Français a confirmé tout le potentiel qu’on lui prédisait sur les sprints. Moins sur les classiques, qui lui manquent pour viser mieux dans notre classement.
Pourquoi lui ?
Parce qu’Arnaud Démare est un vrai sprinteur. Pas tant dans son profil de carrière, lui qui a longtemps chassé les classiques et notamment Paris-Roubaix dont il rêve, mais, physiquement, difficile de faire plus « sprinteur » que le Picard. Grand mais pas trop (1,81m), puissant mais pas si massif que cela (76kg), le Français est l’archétype du sprinteur moderne, puissant mais également capable de passer les bosses. Les profils à la Cippolini n’existent plus aujourd’hui ! Mais sa place dans notre classement, le Tricolore est allé le chercher grâce à un palmarès fourni.
Avec ses 88 succès en carrière, Démare se classe même 5e en nombre de succès. Mais le gros péché du Picard a longtemps été d’avoir un palmarès plus quantitatif que qualitatif. De 2012 à 2016, le Français s’impose à 31 reprises, mais seulement trois fois en World Tour. Difficile alors de le placer dans l’élite des sprinteurs. Mais tout change au printemps 2016, avec un succès sur Paris-Nice et, surtout, la victoire sur Milan-SanRemo. LE Monument de sa carrière et l’une de ses victoires les plus renversantes.
Depuis, il a gagné en WT chaque saison, a enfin débloqué son compteur sur le Tour de France (succès à Vittel en 2017 et à Pau en 2018) et s’est fait une spécialité de dominer les sprints du Giro ces dernières années (8 succès en 3 participations, 2 maillots cyclamen). En 2023, il devrait retourner sur le Tour, avec l’ambition d’y connaitre une nouvelle fois pareille réussite.
Son plus beau sprint : Scalea, Tour d’Italie 2022
On aurait pu évoquer Milan-SanRemo, qui reste à ce jour la plus belle victoire d’Arnaud Démare, ou son premier succès sur le Tour, en 2017, quand il domine le gratin du sprint mondial, mais difficile de passer à côté de sa victoire à Scalea, sur la 6e étape du Tour d’Italie 2022. Sur le papier, voir le Français de la Groupama-FDJ triompher ce jour-là n’avait rien d’exceptionnel. Il avait même ouvert son compteur la veille, était en confiance, et l’étape était toute plate et destinée aux sprinteurs. Seulement voilà.
Lorsque le sprint se lance à 500m de la ligne, Démare est seul et déjà en tête, vent de face dans le nez. Une position absolument catastrophique dans ce genre de situation, encore plus pour un sprinteur puissant comme Démare, qui aime lancer de loin, peu habitué et guère plus habile pour se frayer un chemin à la « Ewan ». Derrière lui se trouvent toute la concurrence de ce Giro : Bauhaus, Nizzolo, Girmay mais surtout Cavendish et Ewan. Le Britannique passe à l’action le premier, avec l’Australien dans sa roue. Malin, Démare réussit à se caler derrière Ewan.
L’Australien produit à son tour son effort à 150m de la ligne et pense gagner avant que le Français, très malin et qui a retardé son sprint – contre-nature – ne le passe sur la ligne. De tous les succès acquis par Démare dans sa carrière, c’est sans doute le seul où il n’avait pas encore lancé son sprint aux 200m. Sans doute le seul où on l’a vu naviguer et manœuvrer parmi les sprinteurs. Et c’est pour cela que cette victoire est l’une des plus belles. Au-delà d’être une des plus prestigieuses.
Victime de son rêve
Alors que manque-t-il véritablement à Démare pour figurer plus haut dans notre classement ? Deux choses, principalement. La première, on l’a déjà évoquée est son faible pourcentage de victoires en World Tour (9%) avant 2016. S’il s’est amélioré depuis (23%), il reste toutefois largement inférieur à la moyenne (44%) du top 10. Peut-être aurait-il un palmarès en WT bien différent s’il n’avait pas tant cherché à gagner Paris-Roubaix.
Imprégner du rêve de remporter l’Enfer du Nord, Démare a tardé à se mettre à 100% au sprint. Il a fallu attendre ces dernières années pour voir le Français devenir véritablement un sprinteur et non plus un hybride mi-flandrien, mi-sprinteur. Ces trois dernières années, le Picard a changé de dimension (29 succès, 7 en GT) et fait désormais partie des meilleurs sprinteurs du monde. Reste à le démontrer de nouveau sur le Tour, où il va devoir enchainer les succès pour remonter dans notre classement. A 31 ans, Démare en a encore bien le temps.
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