Meilleur sprinteur de la première décennie du 21e siècle, Alessandro Petacchi aura laissé une trace indélébile sur le sprint mondial, de par sa domination gloutonne et sans discussion qui l'ont vu multiplier les succès de manière quasi unique. Mais les affaires de dopage et l'éclosion d'un certain Mark Cavendish ont accéléré son déclin et le laissent à la 2e place de notre classement des sprinteurs du 21e siècle.
L'avantage qu'a pu présenter la saison astronomique réalisée par Tadej Pogacar, c'est de remettre au goût du jour des performances exceptionnelles que l'on avait presque oubliées. Comme celles d'Alessandro Petacchi au plus fort de ses 19 ans de carrière riches en succès. L'Italien a poussé à son paroxysme le développement et la perfection du système de "train" mis en place par Mario Cippolini avant lui pour enquiller les victoires, partout, toute l'année, tous les ans. De quoi en faire un indiscutable 2e de notre classement.
Pourquoi lui ?
De se son premier pas chez les professionnels en 1996 à son dernier succès, sur le Grand Prix Cerami en 2014, Alessandro Petacchi a décroché 183 succès. Et l'immense majorité l'ont été au terme d'un sprint massif, à l'exception de cinq victoires au classement général. Pur sprinteur, l'Italien n'était pas non plus le plus maladroit des bolides du peloton pour passer les bosses ou la montagne, un atout non négligeable pour multiplier les succès. Surtout en Grand Tour. Il a pourtant fallu attendre sa troisième année chez les professionnels pour le voir lever les bras et encore deux saisons supplémentaires pour le voir, enfin, enchaîner, avec deux succès au Tour du Luxembourg. Cette fois, la fusée de la Spezia est lancée et il commence sa razzia dès 2000 (9 succès, tous acquis après mai). Sprinteur très puissant, l'Italien préférait les longues lignes droites aux finals techniques et sinueux, plus favorables à ses qualités mais surtout l'une de ses grandes forces : son train. Dans le sillage de la technique mise en place en premier par son compatriote Mario Cippollini, Petacchi a développé et poussé le "train" à la quasi perfection, partout où il est passé, que ce soit à la Lampre, chez Milram ou LPR Brakes-Farnese Vini.
Mais c'est sous le maillot de la Fassa Bortolo, entre 2000 et 2005, que l'Italien a été sans conteste le meilleur sprinteur du monde. Avec elle, il enquille les succès (93 en six saisons, soit … plus de 15 de moyenne par an !), notamment en Grand Tour (41, soit quasi 7 victoires par an !!!), s'offre des razzia inédites sur le Giro 2004 (9 succès) et la Vuelta 2005 (5), empochant sans surprise les classements par points des deux épreuves. Pur sprinteur de train, Alessandro Petacchi a plus rarement brillé sur les courses d'un jour (16 succès "seulement"), mais cela ne l'a pas empêché de remporter deux des courses les plus importantes alors pour un sprinteur, Paris-Tours en 2007 et, surtout, Milan-San Remo en 2005. La concrétisation d'une domination sans partage alors depuis deux ans et une victoire qui n'avait souffert d'aucune contestation malgré la concurrence dans l'emballage final (Hondo, Hushovd, O'Grady, Freire, Boonen, Zabel…). Comme souvent avec l'ex coureur de la Lampre, qui n'aura rien lâché pour aller décrocher la Primavera, comme il l'a fait pour s'offrir le maillot vert du Tour de France. Il a fallu attendre 2010 et sa 4e participation pour voir le sprinteur italien rallier Paris avec le maillot vert sur les épaules, glanant au passage les deux dernières de ses six succès sur la Grande Boucle, à 36 ans. Il n'a finalement manqué qu'un titre mondial à "Ale Jet" pour remporter tout ce à quoi un sprinteur peut rêver mais il lui a manqué 25" à Madrid en 2005, cinq ans après avoir aidé Cipollini à gagner son maillot arc-en-ciel à Zolder, sur l'un des rares circuits pour sprinteurs des années 2000. Et un succès sur les Champs-Elyséees (5e en 2001, 2e en 2010).
Petacchi en chiffre, c'est :
145 victoires en sprint massif
22 victoires sur le Giro
20 victoires sur la Vuelta
6 sur le Tour de France
1 Milan-San Remo
1 Paris-Tours
Sa plus belle année : Le chef d'œuvre d'Alessandro Petacchi en 2003
Oui, son record vient d'être égalé par Tadej Pogacar mais Alessandro Petacchi n'en reste pas moins co-recordman de succès sur une saison avec 25 victoires… en 2005. Alors pourquoi choisir 2003 ? Parce que l'année 2003 de l'Italien, elle, est inoubliable. Tellement riche qu'on vous conseille de vous asseoir avant de lire l'incroyable razzia réussie par le sprinteur de la Fassa Bortolo cette saison-là, avec ses "seulement" 24 succès.. Une année époustouflante, ébouriffante, inouïe. Des succès acquis de son premier jour de course (Trofeo Luis Puig, en février) à l'avant-dernier (victoire à Madrid sur la 21e étape de la Vuelta) pour 23 victoires en 77 jours de courses et 23 succès en 30 sprints pour la gagne disputés. Une réussite invraisemblable de 77% !! Mais le plus dingue reste à venir.
Vous aviez trouvé fou les 12 succès en Grand Tour en 2024 de Pogacar ? Petacchi en avait gagné 15 en 2003… Vous trouviez difficile de gagner sur les trois Grands Tours la même saison ? L'Italien a pulvérisé cette performance que seuls Miguel Poblet en 1956 et Pierino Baffi en 1958 avaient réussie : 6 victoires sur le Giro, 4 sur le Tour, 5 sur le Tour d'Espagne. Il aura été bien aidé certes par les 12 sprints des 17 premières étapes du Giro cette année-là mais remporter les 4 étapes de sprint du Tour en première semaine avant son abandon relèvent de l'exploit quand on connait la densité du sprint à l'époque. Et, ce, avant de gagner 5 des 6 sprints de la Vuelta, étant seulement battu par Zabel à Sabadell. Le pire dans tout ça ? Ses saisons 2004 (21 succès dont 9 sur le Giro) et 2005 (25 dont 9 en GT et Milan-SanRemo) ont été moins impressionnantes en étant parmi les meilleures de l'histoire.
Une trace légèrement ébréchée
On ne pourra jamais lui enlever ses succès, ses saisons historiques et ce sentiment de domination absolue entre 2003 et 2005 dont ni ses prédécesseurs, ni ses contemporains ne peuvent autant se targuer. Alessandro Petacchi est l'un des meilleurs sprinteurs du siècle, et même de l'histoire, cela ne fait aucun doute. Mais l'Italien n'a pas toujours répondu quand on l'attendait, que ce soit aux Mondiaux ou à Hambourg (aucun top 20 sur les deux), mais aussi à Milan-SanRemo où, malgré son succès en 2005, il a souvent raté le coche dans une époque favorable aux sprinteurs dont il était censé être le plus gros poisson (6 tops 8 entre 2004 et 2010, abandon en 2003). Surtout, sa carrière restera toujours entachée par les histoires de dopage.Rattrapé par la patrouille en 2007 pour un contrôle "non-négatif" au salbutamol sur le Giro, suspendu de novembre à août 2008 avec ses résultats de 2007 annulés, l'Italien a peiné à retrouver une équipe au plus haut niveau par la suite, à 35 ans passés. Et s'il a été lavé de tout soupçon de l'Affaire de Mantoue en 2010, Petacchi est suspendu rétrospectivement en 2019 dans l'opération Aderlass, perdant tous ses (maigres) résultats de 2012 et 2013. Trois affaires qui ont coûté 16 succès à l'Italien dont 5 étapes du Giro 2007, et le maillot cyclamen, mais surtout fortement entaché sa légende. Celle d'un des meilleurs sprinteurs de tous les temps, logiquement accroché à la 2e place de notre classement des sprinteurs du 21e siècle.
Mais où est Sagan??