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Thomas Voeckler : « Paul Seixas a un potentiel physique extraordinaire »

Dernière mise à jour : 27 juin

Sélectionneur de l’équipe de France et consultant pour France Télévisions, Thomas Voeckler a pris la parole au micro de Vélofuté, deux semaines avant le départ du Tour de France. Sa double casque de sélectionneur et consultant, son futur, sa vision du cyclisme français ou ses attentes sur le Tour, l’ancien d’Europcar n’a rien éludé.

Thomas Voeckler : « Paul Seixas a un potentiel physique extraordinaire »

En tant que sélectionneur, comment on se sent dix jours avant le début du Tour ?

En fait, je me sens comme le reste de l'année. C'est-à-dire que je suis en alerte. Ça ne change pas pour moi le fait d'être sur le Tour de France ou pas. Je suis sélectionneur du 1er janvier au 31 décembre. Et il y a des moments où c'est la partie émergée de l'iceberg sur les championnats d'Europe, championnats du monde, des Jeux olympiques, quand on est sur zone.

 

Mais en fin de compte, au Tour de France, Paris-Nice, au Dauphiné ou à Paris-Roubaix, ce n'est pas quelque chose de ciblé dans l'année. Sélectionneur, c'est sur l'ensemble de l'année. Donc, quand on est proche du Tour de France, ça ne me change pas grand-chose. Évidemment, je regarde qui est présent, j'ai hâte de voir comment va se comporter un tel. Mais le fait d'être sélectionneur, ça ne me change pas.

 

Deux semaines avant, au moment où on parle ou le jour du départ du Tour, ma casquette de sélectionneur est à l'intérieur de moi. Je ne l'ai pas toujours sur la tête, mais toujours en tête.

 

Effectivement, vous évoquez votre double casquette de sélectionneur et consultant. Est-ce que c'est facile à gérer ? Est-ce que c'est un avantage finalement ?

Pour moi, c'est complémentaire. C'est ma conviction. Au-delà de ce que je peux voir, j’ai la chance d’être vraiment sur le terrain. C'est-à-dire que ce n'est pas juste être au départ et à l'arrivée. Je vois les mecs, les mecs me voient aussi. Donc, c'est de faire partie du vélo et pas seulement de manière ponctuelle dans l'année. Et ça, c'est clairement complémentaire. Moi, je le considère comme un avantage.

 

Est-ce que c'est une manière aussi inconsciente de ne pas raccrocher complètement le vélo ?

C'est un privilège d'être à la place aussi sur la moto. Ça, je le sais. Et c'est clair que c'est comme si j'étais en course encore. Mais je n'ai plus mal aux jambes [rires]. Il y a des choses qu'on voit chez les coureurs quand on est à côté. Des attitudes, des ressentis.

 

Mais ce n'est pas une façon de ne pas décrocher. J'avais envie de rester dans le vélo. Et c'est vrai que j'ai eu cette proposition de France Télévisions. De toute façon, c'est quelque chose que j'aime foncièrement, le vélo. Mais pour répondre concrètement à la question, je n'ai jamais vécu, depuis que j'ai arrêté ma carrière, ce qui est en termes d'émotions sportives, ce que j'ai pu vivre quand j'étais coureur. Donc non, ce n'est pas une manière de ne pas décrocher avec la compétition. Par contre, c'est une manière de rester dans un domaine que j'aime, à une place privilégiée.

 

Quand on est retraité du vélo et qu'on veut rester dans ce monde, on peut intégrer une équipe, être consultant, ou être sélectionneur. Dans les deux derniers cas, les places sont rares. Donc là, vous avez fait les deux dernières. Puis reste la troisième case : faire partie d’une équipe. Je fais le lien avec TotalEnergies : est-ce que ça, c'est un projet qui reste quand même en tête ?

Je ne m'interdis rien. Mais je pense que dans l'équipe que vous citez, si ça devait se faire, ça se ferait déjà fait. Ce dont je me suis rendu compte, c'est qu'à une époque, on le voulait plus que moi. Pour la suite, sincèrement, j'ai des idées que je garde pour moi. Je ne cherche pas, je n'ai pas de plan carrière, je n'ai pas de case à cocher. Mais c'est vrai qu'à mon arrêt de carrière, j'ai vu arriver Bouhanni, Demare, Alaphilippe, Gaudu, Bardet, Pinaut. Je m'étais dit, ‘punaise, j'aimerais bien être coach de ces mecs-là, parce qu'il y a quelque chose à faire’. Je sentais qu'il y avait du potentiel.

 

Bardet, Pinot, Alaphilippe, la génération dorée
Bardet, Pinot, Alaphilippe, la génération dorée

Après, diriger une équipe, on ne voit pas les choses de la même manière que quand on est coureur. On croit que ce n'est pas grand-chose, que ce n'est pas si compliqué. Mais je tire mon chapeau à tous ceux qui sont patrons d'équipe, parce qu'on s'éloigne du sportif. On ne s'occupe même plus du sportif, presque. Ce que j'aime, c'est le côté sport, contrairement au côté business.

 

Je ne pense pas spécialement à reprendre une équipe. Je suis complètement impliqué dans mes deux rôles, de consultant et évidemment de sélectionneur. Consultant, je prends beaucoup de plaisir. Je l'apprécie énormément sur la moto. Je pense que ça se ressent à l'antenne. Mais à la limite, tout ce que je risque, c'est de dire des bêtises, et je ne me mets pas en danger. Quand je suis avec l'équipe de France, j'ai tellement envie que ça marche, que ça tourne bien, que les gars donnent le meilleur. Là, je me mets en danger. Ce sont deux fonctions complémentaires, complètement différentes. Il y en a une où je ressens moins de stress, de pression que l'autre.

 

Vous avez dit au début « je me suis rendu compte qu'on voulait plus que je reprenne cette équipe plutôt que moi ». Le « on », c'est la presse et l'environnement ou c'est l'équipe elle-même ?

Tout le monde m'en parlait, en fait. Tout le monde m'en parlait... Et puis c'est vrai que je peux comprendre que ça paraissait comme une suite logique. Il y a eu des appels du pied. On a discuté aussi avec Jean-René, mais ça ne s'est pas fait. Franchement, c'est bien comme ça. Aujourd'hui, je m'entends très bien avec Jean-René. J'ai passé des belles années à ses côtés. Et voilà.

C'est vrai qu'à force d'entendre « tu vas reprendre l'équipe, tu vas reprendre l'équipe », à un moment, ça rentre dans la tête. Et puis il faut se poser la question. Pourquoi en fait ? Il faut que je me pose la question si je le veux. Parce que beaucoup le voyaient comme une évidence.

 

Pour en venir au Tour de France, ça fait 40 ans qu'un Français n'a pas gagné le Tour. Quelle est votre vision du cyclisme français ? Est-il en perdition ?

Je ne suis pas langue de bois. En 2020-2021, on a été deuxième meilleure nation. On a même été première nation avant. Le classement UCI n'est peut-être pas toujours parfait, mais si aujourd'hui, il y avait des JO, on y aurait été à 3 coureurs. On est huitième nation [7e nation au 25 juin, ndlr].

À un moment, oui, il y a des chutes, il y a des moyens que les équipes étrangères ont et que les équipes françaises n'ont pas. Mais les chiffres sont là : on a régressé dans la hiérarchie mondiale. Mais ça peut s'inverser. Si on regarde le début de ce tour de Suisse, on dit « Punaise, mais les Français cartonnent. » Donc ça va très vite dans les deux sens. Il faut en avoir conscience. Et ce n'est pas irrémédiable. On ne peut pas toujours être comme en 2020, voire 2021, quand on avait Julian à son prime qui était le meilleur puncheur du monde et des équipiers de très haut niveau.

 

Quand on avait Bouhanni-Démarre à leur prime, il n'y avait pas mieux qu'eux. Et puis quand on avait Alaphilippe, Bardet, Pinot sur six coureurs dans le final d'un championnat du monde. Aujourd'hui, avec le même circuit qu’à Innsbrück, je ne suis pas sûr qu'on en ait trois sur les six derniers coureurs. Et pour autant, ça ne veut pas dire qu'on n'a rien à y faire.

 

Les Français ne sont pas moins bons, mais on a régressé dans la hiérarchie tout comme on va reprogresser, parce que ça travaille bien en France. Les gars qui sont actuellement présents, ils peuvent aussi encore performer et s'améliorer. Il y a des jeunes qui arrivent.

 

Sur le Tour de France, la liste de départ exceptionnelle. Parmi les Français, on a de beaux candidats. On a Lenny Martinez, Kévin Vauquelin, la team FDJ avec Guillaume Martin, Valentin Madouas, Romain Grégoire, etc. Est-ce que le Tour va jouer dans vos sélections ? Est-ce qu'il y en a que vous attendez spécifiquement sur le Tour par rapport à tous ces noms-là ?

Sur une course aussi grande que le Tour, avec toute cette concurrence et tout le monde qui tente, c’est de plus en plus dur de gagner une étape. Donc je n'attends pas particulièrement un coureur. Je regarde tous les coureurs même les moins connus et je regarde leur progression. Et après, bien sûr, je tiens compte de ce qui se passe sur le Tour, évidemment.

 

Mais maintenant, je n'attends pas d’un Lenny Martinez qu’il fasse podium au général. Je le verrais bien avec un maillot à pois, par exemple, et une victoire d'étape. Ça, c'est tout à fait possible.

 

Si on prend l'exemple des coureurs qu'on voit actuellement au Tour de Suisse, sur les arrivées pour puncheurs, Romain Grégoire ou Julian Alaphilippe peuvent être là. Après, je ne sais pas si Arnaud va encore aller sur le Tour, mais peut-être que ce sera une de ses dernières occasions de lever les bras. On a vu que l'an dernier, il n'était pas loin au sprint. Même si, depuis le début de l'année, il n'est pas dans le coup, il a tellement d'expérience que sur un one-shot, ça peut le faire.

 

Vauquelin a longtemps porté le maillot jaune sur le Tour de Suisse / Crédit - DH
Vauquelin a longtemps porté le maillot jaune sur le Tour de Suisse / Crédit - DH

En fait, je n'ai pas d'attente précise parce qu'en fin de compte, ça ne me sert à rien d'en avoir. Par contre, j'observe beaucoup plus que juste les trois premiers du classement. Le Tour de France, c'est clair qu'autant, je disais, ça ne change rien dans mon approche de sélectionneur, mais l'épreuve, le Tour de France en elle-même, ça a de l'importance.

 

Je dois aussi faire attention à ne pas être dans cette fameuse ‘culture de l’instant’. Quand quelque chose se passe, on peut oublier ce qui s'est passé deux mois avant. J'essaie toujours de prendre du recul.

 

En tant que sélectionneur, jusqu’à quand courre votre contrat ?

Mon contrat de sélectionneur, l'an dernier, ça a été écrit que ça allait prolonger, ce qui n'était pas vrai. Fin 2024, j'avais un contrat en cours. Ce sont des éléments sur lesquels je ne communique pas.

Dans tous les cas, quand on voit un coureur du talent de Paul Seixas, quand on est sélectionneur, est-ce qu’on ne se projette déjà sur le long-terme avec lui ?

Son potentiel physique, tout le monde le dit, il est quand même extraordinaire. Ça, c'est net. Après, il n'y a pas que le physique. Je pense qu'il est bien entouré. Au niveau de son équipe et au niveau familial. Il a des valeurs qui sont des valeurs de travail et d'ambition. Il respire le vélo. Il a une marge de progression dans différents domaines. En tant que sélectionneur, on est heureux de voir un gamin comme ça arriver.

 

Seixas sur le Dauphiné 2025
Seixas sur le Dauphiné 2025 / Crédit - L'Equipe

On se projette peut-être sur un nouveau candidat pour jouer le titre. Mais je n'oublie pas que l'an dernier, c’est Alaphilippe qui était le plus costaud. Il est tombé, mais à Montréal et Québec, il était sans doute parmi les plus costauds. Ce n'est pas parce qu'il y a des jeunes qui arrivent qu'il faut oublier les plus anciens. Les jeunes ont besoin d'eux aussi. Mais c'est vrai que quand on parle de Seixas, de Bisiaux, de Magnier dans un registre différent et d'autres, on a des talents qui arrivent. On peut rajouter Grégoire et Martinez qui étaient déjà l'an dernier.

 

C'est pour ça que je n'ai aucun problème à dire que l'équipe de France a régressé au classement mondial, mais je pense que ça peut s'inverser sans trop de soucis.

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Moos-Tik
Jun 29
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Merci de nous offrir cet entretien avec Thomas. C'est du bon Vockler.👍

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