Pourquoi les sponsors et grands groupes rachètent les équipes cyclistes ?
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Pourquoi les sponsors et grands groupes rachètent les équipes cyclistes ?

Comme Red Bull avec Bora-Hansgrohe, plusieurs grands groupes, généralement partenaires ou sponsors depuis plusieurs années, finissent par racheter les équipes cyclistes, souvent fondées par d’anciens coureurs. Pour quelles raisons concrètes ? Éléments de réponse.

Pourquoi les sponsors rachètent-ils les équipes cyclistes ?

L’information aurait pu passer inaperçue, mais c’était sans compter sur les qualités d’investigation de certains suiveurs. D’après la page officielle de l’autorité fédérale de la concurrence autrichienne (Bundeswettbwerbsbehörder), le groupe Red Bull a acheté 51% des parts de Ralph Denk Pro Cycling, la structure juridique de l’équipe allemand Bora-Hansgrohe. L’opération est encore soumise à validation mais devrait être officialisée fin janvier. Jusque-là, la structure appartenait à 100% au directeur et fondateur de l’équipe, Ralph Denk, qui était fier, à notre micro fin 2022, du caractère familial de son entreprise. Mais en plus d’un an, l’eau a coulé sous les ponts et Denk, bien que toujours aux commandes, devrait bientôt être minoritaire au capital de son équipe.


Si l’impact de cette prise de participation est encore à mesurer, cela suit une tendance globale du cyclisme professionnel. De plus en plus d’équipes sont rachetées par des grands groupes, en général sponsors titres depuis de nombreuses années : AG2R LA MONDIALE, EF Education First, Groupama et FDJ sont toutes propriétaires de structures fondées par d’anciens coureurs. Mais pour quelles raisons ces grands groupes, souvent sponsors, rachètent les équipes cyclistes ?


Renforcer la structure et prendre le pouvoir décisionnel


Si les situations sont différentes en fonction du contexte ou de l’historique de chaque entité, il existe au moins deux raisons majeures. La première est la suite logique du sponsoring sportif : en s’associant à une équipe et en lui donnant son nom, l’entreprise bénéficie d’une exposition et d’une publicité importantes qui contribuent à augmenter la notoriété, améliorer l’image de marque et à vendre plus de produits ou services. L’exemple d’Ineos, entreprise pétrochimique à l’activité souvent critiquée, est parlant : en s’associant aux valeurs positives du vélo, une mobilité douce, elle tente d’apporter de nouvelles composantes à son image. Des entreprises comme AG2R LA MONDIALE ou Cofidis en France doivent leur notoriété en grande partie aux exploits des équipes cyclistes qu’elles possèdent. Posséder l’équipe, en plus que de la sponsoriser, permet de renforcer le lien avec le cyclisme et de s’inscrire souvent sur un temps plus long tout en offrant une certaine sécurité à la structure, très dépendante des revenus de sponsoring.


La seconde raison est d’une autre nature. « En tant que sponsor, même principal, une entreprise a une influence limitée sur la stratégie et le pilotage de l’équipe : elle peut avoir des envies ou des demandes, elle peut formuler une recommandation, mais la prise de décision finale du programme des coureurs ou du choix de tel calendrier est entre les mains du Directeur Général de l’équipe mandaté par le propriétaire. Et il arrive que le DG soit aussi le propriétaire. », explique Benjamin Abitbol, directeur chez EY-Parthenon, cabinet de conseil et longtemps conseiller auprès de l’équipe AG2R Citroën devenue DECATHLON AG2R LA MONDIALE Team. L’absence de contrôle opérationnel peut gêner certains sponsors titres, qui ont un champ d’action restreint pour insuffler une nouvelle dynamique. Le rachat de l’équipe AG2R Citröen Team en juin 2022 par AG2R LA MONDIALE est certainement en lien avec le nouveau projet annoncé fin novembre 2023 avec DECATHLON.


L’intérêt majeur d’un sponsor qui rachète une équipe cycliste réside donc dans le contrôle de l’entité, afin de l’intégrer pleinement dans sa stratégie opérationnelle. « En acquérant une équipe, comme pour n’importe quelle entreprise, un groupe cherche à créer des synergies, à la fois de coûts, en mutualisant certaines fonctions ou outils (CRM par exemple), mais aussi de revenus pour aider les équipes à devenir moins dépendantes du naming », poursuit Benjamin Abitbol, qui précise également que ces grands groupes auront du poids pour faire évoluer le modèle global du cyclisme, en le pérennisant et en apportant un ensemble de méthodes de leur secteur. C’est ce à quoi on peut s’attendre dans le cas de Red Bull, dont la stratégie d’investissement dans le sport est un exemple de réussite.


Une très faible valeur économique


Reste enfin la question de l’investissement économique. En principe, acquérir une entreprise induit une dépense ponctuelle, souvent importante. Mais le cyclisme n’est pas le football et ses valorisations à plusieurs dizaines de millions d’euros, voire des milliards dans le cas du PSG. La valorisation d’une entreprise se calcule généralement à partir de deux indicateurs : l’EBITDA, en utilisant un multiplicateur propre au secteur, ou l’évaluation des actifs de l’entreprise (locaux, matériel, stocks, etc.). Or pour ces deux éléments, les équipes cyclistes sont relativement pauvres. « Les équipes cyclistes sont aujourd’hui structurellement construites pour être à 0+ de résultat financier », analyse Benjamin Abitbol. « Elles ne peuvent ni se permettre de perdre de l’argent, ni de dégager d’importants bénéfices, au risque que les sponsors estiment que leurs investissements ne sont pas complètement dépensés pour améliorer l’équipe », détaille-t-il. Ensuite, en termes d’actifs, rares sont les équipes qui possèdent leurs locaux, tandis que les voitures, vélos et autres équipements sont généralement prêtés ou mis à disposition par les partenaires et sponsors.


Le coût d’entrée financier pour un grand groupe peut donc s’avérer anecdotique. Si, a priori, les entreprises comme Cofidis, AG2R LA MONDIALE, Ineos, EF ou encore Red Bull ne sont pas forcément dans une logique d’investissement pour revendre à profit quelques années plus tard (en tout cas pas affiché), l’acquisition ne présente aucune barrière économique. Elle offre même l’opportunité de prendre le contrôle opérationnel d’une entité au pouvoir marketing immense. Il n’est alors pas impossible que ce type de scénario se reproduise à l’avenir, et que les rares structures encore détenues par le fondateur (Arkéa B&B, Visma Lease-a-bike, Team dsm-firmenich PostNL ou Team TotalEnergies) soient bientôt acquises par leurs sponsors titre ou d’autres organisations du monde sportif, comme Red Bull ou des fonds d’investissement. Les paris sont ouverts.

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