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Photo du rédacteurRomain Bougourd

Faire l’impasse ou briguer les invitations : le dilemme des Pro Teams sur les Grands Tours

Ces dernières années, Arkéa-Samsic, Lotto-Dstny ou Israel-Premier Tech ont tenté de faire l’impasse sur des Grands Tours auxquels elles étaient invitées. Un choix a priori surprenant, mais qui semble payant. Analyse.

Quel est le point commun entre Lotto-Dstny, Israel-Premier Tech, Uno-X et TotalEnergies ? Facile : ces quatre équipes participeront au prochain Tour de France, sans bénéficier de la licence World Tour. Si les deux premières sont qualifiées grâce à leur classement 2023, les deux autres ont été invitées par les organisateurs. Mais elles n’étaient pas sur le dernier Giro, et les Scandinaves n’étaient pas non plus sur la Vuelta 2023. Les invitations aux Grands Tours, et plus généralement aux épreuves World Tour, sont des graals pour la plupart des Pro Teams en quête de progression et d’ascension. Le règlement est figé pour les GTs : les deux meilleures Pro Teams de la saison passée sont qualifiées d’office, et les organisateurs sont libres d’inviter deux autres Pro Teams, à condition qu’elles soient dans le top 50 UCI. La logique d’invitation répond à la fois à des critères sportifs mais aussi marketing voire idéologique (préférence nationale).


En plus de la visibilité énorme qu’ils offrent, les GTs permettent à ces équipes de glaner des points UCI, grâce à un barème extrêmement attractif depuis sa refonte début 2023. Outre les points du classement général, les 10 premiers de chaque étape marquent des points, et le vainqueur d’une étape du Tour de France gagne presque autant de points que le vainqueur d’une classique .Pro (180 pts vs. 200), tandis qu’une victoire d’étape sur le Giro ou la Vuelta est plus rentable que sur une classique .1 (150 vs. 125). Bref, rien de mieux qu’un GT pour engranger des points et progresser au classement UCI. En tout cas, a priori. Car depuis 2022, on observe une tendance surprenante : pourtant qualifiées d’office, des équipes comme Arkéa-Samsic, Israel-Premier Tech ou Lotto-Dstny ont fait le choix de refuser l’invitation au Giro ou à la Vuelta pour se concentrer sur les courses annexes. Alors, stratégie payante ? C’est ce que nous avons essayé de comprendre.


Lotto-Dstny, le maître de l'impasse des Grands Tours


Pour cela, nous avons analysé les points UCI gagnés par les 10 meilleures Pro Teams lors des trois derniers Grands Tours et sur les courses annexes de la même période. Si on ne distingue pas forcément de vérité générale, on peut tirer de réels enseignements.


Giro 2024

Impasse Grands Tours Giro

Tour de France 2023

Impasse Grands Tours Tour de France

Vuelta 2023

Impasse Grands Tours Vuelta

La logique voudrait que la participation aux GTs offre plus de points, et l’on devrait retrouver aux premières places de ces graphiques les équipes qui y ont participé. Or, à part pour le Tour de France, ce n’est pas complètement le cas pour la Vuelta, voire pas du tout sur le Giro. Uno-X et surtout Lotto-Dstny, qui a décidé de faire l’impasse sur le GT italien, trônent en haut du classement, loin devant Israel-Premier Tech et Tudor. On remarque également que lors de la Vuelta 2023, Lotto et Total ont marqué plus de points sur les courses annexes que sur les routes espagnoles. Israel a réalisé la même performance sur le Giro cette année.


Les courses annexes, vraie différence entre le Tour de France et les autres Grands Tours


Si on pousse l’analyse un peu plus loin, même Caja-Rural a remporté plus de points que Polti Kometa sur le Giro, et Q36.5 en a fait de même que Caja-Rural sur la Vuelta. La corrélation entre la participation aux GTs et le classement par points UCI a donc du plomb dans l’aile. Comment l’expliquer ? On identifie avant tout deux réponses. La première est celle du calendrier parallèle. Alors que le monde cycliste s’arrête pendant le Tour de France, avec seulement 4 courses annexes, de nombreuses courses se disputent en même temps que le Giro et la Vuelta. Avec respectivement 31 et 36 jours de courses annexes, les deux autres GTs ne sont pas forcément les plus attractifs en termes de points face aux nombreuses classiques .1, .Pro voire WT.


La deuxième raison est liée à une évolution profonde du cyclisme, avec la concentration des talents dans les meilleures équipes et l’alignement d’effectifs cinq étoiles sur les plus grandes courses comme les Grands Tours. Face à une concurrence accrue et au peu d’occasions laissées aux baroudeurs, les Pro Teams peinent à exister sur les GTs, et sont souvent réduites aux « échappées publicitaires ». Pour beaucoup d’entre elles, il est plus accessible de briller sur des courses .1 ou .Pro et d’y amasser des points. Pour faire court, mieux vaut amasser beaucoup de petits points, que (trop) peu de gros points. Surtout quand les grands coureurs eux, privilégient les grandes courses et notamment les GT.


La profondeur et le profil de l’effectif, le facteur clé


Surtout, le choix de participer ou non à un Grand Tour varie selon l’effectif d’une équipe. Une formation comme Lotto, qui dispose de très bons puncheurs et classicmen, avec en tête Arnaud De Lie, est intraitable sur les classiques belges .1, et a beaucoup plus de chances de l’emporter que sur le Giro. Idem en septembre. Uno-X a montré cette année également une parfaite maîtrise de la course aux points en multipliant les top 10 sur ces classiques mineures et en empochant de nombreux points en plaçant 2 à 3 coureurs dans les 10 premiers. A contrario, des Pro Teams comme Caja-Rural, Polti Kometa ou VF-Group Bardiani ne disposent pas de la profondeur d’effectif pour jouer sur les deux tableaux, mais sont à même de glaner des points en échappée sur les étapes de montagne de GT que sur des classiques vallonnées ou pavées.


Pour conclure, le choix de faire l’impasse sur les Grands Tours dépend de plusieurs facteurs (profondeur de l’effectif, spécialité des leaders), mais la richesse du calendrier annexe au Giro et à la Vuelta rend l’impasse très judicieuse pour de nombreuses équipes. En revanche, le Tour de France est réellement LA course à ne pas manquer, tant les opportunités de marquer des points ailleurs à cette période est limitée. Il y a donc fort à parier que les meilleures Pro Teams continuent de faire l’impasse sur le Giro ou la Vuelta dans les prochaines saisons. Et elles auront sûrement raison.

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