Bas Tietema (Unibet Rose Rockets) : "être aussi prêt que possible" pour le Tour de France 2026
- Romain Bougourd
- il y a 11 minutes
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Après seulement trois saisons d’existence, la Pro Team Unibet Rose Rockets tape à la porte du Tour de France 2026. Fondée par trois Youtubeurs néerlandais, dont Bas Tietema, ancien grand espoir cycliste, les Rockets franchissent les étapes à une vitesse folle grâce à un modèle innovant, entre chaîne YouTube et équipe ambitieuse. Interview avec Bas Tietema, fondateur et directeur.

Nous avions prévu l'interview en début de mois, mais nous l'avons reportée car vous alliez annoncer dans la foulée l'arrivée de Victor Lafay. Alors, comment se passe cette intersaison chargée ?
Pour les coureurs, c'est toujours un moment de repos, mais pour nous, ce n'est pas vraiment le cas. Cette période est cruciale pour progresser, et nous l'avons fait avec le mercato, mais aussi grâce aux renforts apportés à l'équipe, à l'évolution de nos méthodes de travail et à nos nouveaux partenariats. C'est particulièrement important pour nous, une équipe en pleine croissance, car chaque année nous franchissons de nouvelles étapes, et il est primordial de tirer pleinement parti de cette période.
Il y a deux ans, vous étiez une équipe continentale, maintenant vous êtes une Pro Team qui vise une invitation pour le Tour de France. Vous attendiez-vous à une progression aussi rapide ?
Oui, ça va très vite et parfois c'est un peu étrange, car on recrute des top coureurs, et maintenant avec Marcel Kittel, des légendes du cyclisme, qui ont gagné plusieurs étapes du Tour de France. C'est assez incroyable. Mais c'est aussi une étape nécessaire pour maintenir notre niveau de performance. Alors, d'un côté, l'arrivée de ces personnes est un rêve devenu réalité. Mais d'un autre côté, c'est aussi une nécessité.
Nous avons commencé en 2019 par un tournage sur le Tour de France, puis il y a trois ans, nous sommes devenus une équipe continentale. Et aujourd'hui nous sommes performants en course. Cela se voit dans le classement UCI. Chaque année, nous avons connu une croissance fulgurante. Nous avons une équipe de très grande qualité, avec huit marques partenaires Mais il faut aussi rester fidèle à nos valeurs fondamentales. Et je pense que le média est le cœur de notre identité : les fans, le storytelling, la production de contenu. Et, bien sûr, nous sommes aussi devenus une équipe très performante. Mais je pense que nous ne devons jamais oublier que notre raison d'être, ce sont les fans.
Comment faites-vous pour attirer des coureurs de ce calibre ? Vous êtes une équipe très jeune, mais vous parvenez tout de même à attirer des coureurs de très haut niveau, comme Dylan Groenewegen, Victor Lafay, Wout Poels, etc. Qu'est-ce qui les attire ?
Je pense que notre atout principal est de proposer un mélange de plaisir et d'ambition. Du fait de notre expérience sur YouTube, les gens pensent peut-être « ces gars-là s'amusent, ils font les pitres ». Et on s'amuse vraiment. Mais nous sommes aussi très sérieux. Nous ne sommes pas l'équipe avec les plus gros budgets ni celle qui remporte les plus grandes courses. Mais nous sommes une super équipe avec une base de fans formidable, un grand potentiel et une belle visibilité médiatique. Les gens suivent notre équipe en ligne, mais aussi physiquement, au bord des routes. A Paris-Roubaix, nous avions des supporters au vélodrome. Et je pense que nos coureurs, comme Dylan, Wout ou Victor, qui ont déjà réalisé des performances exceptionnelles, recherchent encore cette flamme, cette passion. Si un de ces coureurs remporte pour nous la première étape du Tour de France, alors il deviendra l'un des acteurs clés de notre histoire. Et je trouve ça formidable, surtout pour les coureurs d'aujourd'hui : ce n'est pas toujours le plus gros contrat qui compte. Il s'agit aussi de savoir où l'on se sent le mieux, où l'on ressent le plus d'enthousiasme et de joie. Je pense que c'est une passion qu'ils ressentent ici. Côté performance, il y a trois ans, nous avons discuté avec les coureurs et nous leur avons présenté la feuille de route de notre équipe. Et nous avons atteint tous ces objectifs. On peut toujours faire beaucoup de promesses. C'est assez fréquent dans le cyclisme : on promet ceci, cela. Mais je pense que si l'on promet ou si l'on affirme quelque chose, c’est essentiel de le réaliser.

Comment concilier le côté cool et le côté sérieux ? Car quand ça marche, c'est facile d'être cool, mais quand ça ne marche pas, c'est une autre histoire. Comment trouver le bon équilibre ?
La culture et les attentes définies dès le départ sont primordiales. Par exemple, nous voulons tout filmer. Nous filmons donc avant et après les courses, quasiment tout, mais cela ne signifie pas que nous montrons tout. Lorsqu'un incident se produit, nous ne voulons évidemment blesser personne, ni gêner ou nuire à un coureur en particulier.
Je pense donc qu'il est primordial, bien sûr, de montrer beaucoup de choses, mais sans jamais être trop dur pour les individus. La confiance dans notre travail et nos films est donc essentielle, tout comme le sérieux avec lequel nous les diffusons. Et je crois que c'est une question de confiance propre aux médias.
Du point de vue de la performance, nous avons de grandes ambitions et des objectifs élevés, car dès le départ, nous nous sommes dit : « Nous aimerions participer au Tour de France. » Peut-être que certains pensaient que c'est un peu hors de portée. Mais si vous regardez notre feuille de route développée en Continental, puis l'année suivante avec l'Amstel Gold Race, nous avons prouvé que nous savons nous entourer de personnes de qualité et que nous avons un beau programme de courses. Et je pense qu'il est important de montrer aux coureurs, mais aussi au personnel qui vient sur place, que nous sommes en train de concrétiser ce projet.
Vous êtes une chaîne YouTube, donc une entreprise de divertissement, et une équipe cycliste. Est-ce votre approche pour rendre le cyclisme plus durable et moins dépendant des sponsors ?
Je ne prétends pas que notre méthode soit la seule et la meilleure. Je crois sincèrement que notre approche consiste à gérer une équipe de manière constructive, à partager des anecdotes sur la mise en place de l'équipe, à produire du contenu, mais aussi à performer, car nous voulons toujours performer, même si nos ressources sont limitées. Nous devons donc faire des choix. Je pense que c'est essentiel dans le sport professionnel actuel. Et si l'on regarde d'autres sports, je trouve qu'ils sont également dotés d'excellentes capacités de production de contenu. Ils créent de la valeur pour leurs partenaires.
Participer à une échappée ou réaliser une bonne performance en course peut générer une couverture médiatique importante. Mais notre objectif est de raconter l'histoire de notre équipe tout au long de l'année, 365 jours par an. Quand nous sommes en course, nous bénéficions de la couverture des médias.
Mais ces deux dernières semaines, nous avons annoncé l'arrivée de nombreux nouveaux coureurs, notamment des jeunes. Des centaines de milliers de personnes, y compris des médias externes (peut-être même cette interview), parlent de notre équipe et de notre histoire. Je suis donc convaincu qu'en 2025, si vous investissez dans les médias et la communication digitale, vous aurez la plateforme et l'opportunité de créer vous-même de la valeur pour vos partenaires, au lieu de dépendre uniquement des courses. Les médias permettent de créer de la valeur en marge des courses. Et je pense que c'est primordial, car sinon, en sport, on gagne, on perd, mais que se passe-t-il si on ne gagne pas ? On se retrouve dans une zone grise.
La chaine Youtube, est-elle uniquement créatrice de valeur ou aussi génératrice de revenus ?
C'est une combinaison des deux. Cela crée évidemment de la valeur et attire aussi des fans, car les gens apprennent à beaucoup mieux connaître notre équipe en regardant ces vidéos, et pas seulement en regardant une course. Que ce soit Lucas Kubis, Victor Lafay et son transfert, ou Dylan, les gens sont tellement captivés par leur histoire, et pas seulement lors des courses. Nous avons aussi des partenaires qui s'intéressent à la quantité de contenu que nous produisons. En fait, c'est comme les dépenses médias, la publicité. C'est la même chose qu'à la télévision, dans les journaux ou avec les bannières sur les sites web. Ils cherchent aussi à capter l'attention d'une audience très ciblée. Ils s'intéressent donc davantage à l'approche médiatique. Cela crée certes de la valeur, mais aussi des revenus.
Votre équipe est-elle au complet ? Ou attendez-vous encore de nouveaux coureurs ?
Beaucoup de gens se posent la question. Officiellement, une équipe est complète seulement quand on compte 30 coureurs. Je pense que c'est assez difficile pour nous car nous n'avons pas de calendrier de courses pour l'année prochaine. Toutes les équipes n'ont pas encore été annoncées. Donc, c'est vraiment compliqué. Bien sûr, nous restons toujours à l'affût. Nous sommes actuellement 28 coureurs. Et je pense que c'est un nombre tout à fait convenable, voire idéal, pour une Pro Team. Rien n'est gravé dans le marbre. On pourrait en ajouter un, mais ce n'est pas nécessaire. 28, ça peut très bien suffire.
Le Tour de France est un objectif clé de l'équipe. Et vous ne vous y attendiez pas forcément en 2026. Mais avec la fusion, votre licence française, il semble que vous ayez une chance inespérée.
Bien sûr, notre rêve est de participer au Tour de France, car nous avons commencé à filmer nos vidéos YouTube sur le Tour et nous avons maintenant une équipe cycliste professionnelle performante. Bien sûr, c'est notre ambition. Mais cette année a été marquée par de nombreux changements, comme vous l'avez mentionné, avec les fusions et la situation d'Arkea. C'est aussi assez triste pour le cyclisme en général de voir autant d'équipes disparaître en une seule saison ou rencontrer des difficultés. De ce point de vue, en tant que passionné de ce sport, c'est aussi un peu triste. Mais cela crée également une opportunité. Et je pense que pour nous, il est essentiel d'être aussi prêts que possible. Nous avons des coureurs de très grande qualité dans notre équipe. Bien sûr, nous devons travailler d'arrache-pied. C'est déjà un grand compliment que l'on nous considère maintenant comme un candidat potentiel.
Nous faisons de notre mieux pour être prêts pour toutes les courses. Cela vaut aussi pour les classiques, car le Tour de France est une course mythique. J'espère également briller dans d'autres compétitions. Et je pense que nous l'avons fait avec l’Amstel. Nous nous concentrons également sur les domaines où nous pensons pouvoir être performants. Cela inclut les classiques, le sprint et une stratégie offensive avec un coureur comme Victor Lafay. Alors oui, bien sûr, nous attendons et nous espérons que ce rêve se réalisera.
Depuis l'année dernière, vous êtes une équipe française, car vous avez « transformé un problème en opportunité. » Est-ce un objectif de « franciser » votre équipe, de mieux répondre aux attentes du public français ?
J'espère que la prochaine fois, nous pourrons organiser cet interview en français. Je prends beaucoup de cours particuliers. 365 jours sur Duolingo. Je fais aussi partie d'une communauté française comme Le Grupetto, et je suis également très actif dans le milieu cycliste français. Nous avons plusieurs coureurs français comme Ronan Auger, Victor Lafay, Adrien Maire ou Kilian Verschuren. Je pense que la culture cycliste française et le potentiel du cyclisme français sont immenses. Et nous voulons bien figurer en Coupe de France. On a d'ailleurs terminé meilleur équipe cette saison. Mais il y a aussi tellement d'équipes différentes en France qui se disputent les mêmes coureurs, donc ce n'est pas si simple.
Maintenant, avec Victor aussi, et avec les courses de la Coupe de France, on essaie vraiment de prioriser au maximum. Et bien sûr, Jos, Devin et moi, nous sommes les fondateurs néerlandais de cette équipe. Mais depuis le début, notre équipe a toujours été un média international. Nous avons toujours eu des coureurs slovaques, tchèques, français, anglais et belges. Nous sommes plutôt une équipe média à nos débuts. On essaie donc de faire de notre mieux pour être intégré en France, mais c'est difficile de tout faire en même temps.






