17e équipe en 2025, faut-il s’inquiéter pour Groupama-FDJ pour 2026-2028 ?
- Romain Bougourd
- il y a 4 jours
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Encore 7e mondiale en 2023, la formation Groupama-FDJ a chuté au classement UCI pour se retrouver 17e en 2025. Avec la perte de nombreux leaders (Pinot, Démare, Pithie, Martinez), les hommes de Marc Madiot vont perdre Stefan Küng cet hiver et attaquer le nouveau cycle UCI avec moins de certitudes que le précédent. Faut-il pour autant s’inquiéter ? Analyse.

Si vous cherchez à illustrer des « trajectoires diamétralement opposées », il vous suffit d’analyser l’évolution de Groupama-FDJ et de Decathlon AG2R La Mondiale depuis 2023. A cette époque-là, GFDJ fête la retraite de Thibault Pinot en terminant à la 7e place au classement UCI, tandis que les Savoyards, à l’époque nommés AG2R Citroën Team, finissaient 18e et étaient menacés de relégation pour la 1ère année du nouveau cycle UCI sur 3 ans. Mais à l’issue de ce dernier, l’écart a été totalement comblé. Après une année 2024 exceptionnelle, « DAT » s’est installée dans le top 10, tandis que Groupama-FDJ a dégringolé en 2025, figurant à la 17e place sur l’année. Une chute libre pour la bande de Marc Madiot, passée de meilleure équipe française solidement installée dans le top 10, à formation de fond de classement World Tour. Comment expliquer ce soudain retournement ? Faut-il s’inquiéter pour le prochain cycle UCI 2026-2028 ?
D’abord, il est important de faire un retour en arrière pour analyser cette bascule. Nous sommes en 2022 et la formation bleue blanc rouge annonce la signature, dès 2023, de 8 néo-pros issus de la Conti, structure lancée 3 ans plus tôt. Parmi ces 8 noms, de vraies pépites comme Romain Grégoire ou Lenny Martinez, ainsi que de belles promesses comme Paul Penhoët ou Laurence Pithie. L’annonce fait grand bruit et les 8 coureurs, décrits par leur entraîneur Nicolas Boisson, sont là pour préparer l’avenir et maintenir la standing de l’équipe, sans recrutement pharamineux. L’équipe sort d’ailleurs d’une grande saison : Arnaud Démare remporte le maillot par points du Giro grâce à 3 victoires d’étapes, David Gaudu termine 4e du Tour de France, et Stefan Küng termine 7e mondial, grâce à une très belle campagne de classiques (3e de Roubaix et de l’E3, 5e du Ronde). Bref, une équipe solide, bien accrochée à la 7e place UCI.
Pinot, Martinez, Pithie puis Küng : des départs qui font mal
2023 s’annonçait donc dans la droite lignée de 2022, sans départ majeur, avec une jeunesse fleurissante, et la célébration de Thibaut Pinot, qui prend sa retraite en fin de saison. Mais tout ne va pas vraiment se passer comme prévu. Le début de saison est marqué par l’épisode Gaudu / Démare. Le 1er a déclaré sur un forum qu’il ne voulait pas avoir le second dans son équipe sur le Tour, dévoilant son inimitié publiquement. Une crise interne se lance et débouchera sur le départ à l’amiable du sprinteur picard à l’été 2023 pour Arkea B&B Hôtels. Une triste sortie pour le vainqueur de Milan-San Remo 2016. Le reste de la saison est relativement satisfaisant, avec notamment le maillot rouge de Lenny Martinez sur la Vuelta, et une nouvelle 7e place au classement UCI. Mais une statistique ne trompe pas : à 33 ans, Tibopino termine meilleur scoreur de son équipe. Pas si anodin que cela.
Car en 2024, tout semble se compliquer. Très tôt dans la saison, la rumeur d’un départ de Lenny Martinez sort, et se vérifie très vite. En août, l’information est officialisée par l’équipe : le grimpeur tricolore rejoindra Bahrain en fin de saison. Alors, comment un tel talent échappe-t-il à son équipe formatrice après à peine deux saisons pro ? Madiot se justifie, avançant qu’il ne pouvait pas s’aligner financièrement sur l’offre bahreïnie. Et c’est malheureusement une réalité. S’en suivent les départs de Laurence Pithie, également en vue sur les Flandriennes, et de Sam Watson. Trois grosses pertes pour la bande de Madiot, qui reflète un triste constat : la formation n’a plus le budget pour lutter avec les top teams. Et c’est vérifiable avec le graphique ci-dessous. Alors que GFDJ disposait d’un budget confortable il y a encore 3 saisons, celui-ci a trop peu progressé par rapport à la moyenne du World Tour, qui croit de façon exponentielle. Là où en 2021-22, un budget de 20-22 millions était dans la moyenne haute, en 2024-2025, c’est plutôt la moyenne basse. Et comme il est évident que les résultats sportifs sont corrélés au budget, le classement de l’équipe a automatiquement chuté : 10e en 2024 puis 17e en 2025, tandis que Decathlon AG2R, après avoir accueilli Decathlon, verra son budget encore augmenter en 2026 avec l’arrivée de CMA-CGM (probablement aux alentours des 40 M€).

Un budget trop juste pour Groupama-FDJ en 2025
GFDJ perdra encore Stefan Küng fin 2025, tandis que David Gaudu, qui a eu des envies d’ailleurs en début d’année, a finalement prolongé son bail dans son équipe de toujours. Mais si l’on regarde de plus près les comptes de résultats 2024 des deux formations GFDJ et Decathlon AG2R, quelques points interrogent. En effet, sur cet exercice, GFDJ affiche un budget de 24,2 M€, soit 6 M de moins que les Savoyards, à 30,9 M€. Pour autant, la différence de structuration entre les deux équipes n’est pas flagrante, bien au contraire :

Ce que montre ce tableau, c’est que la masse salariale des deux équipes est relativement semblable, ainsi que la taille de l’effectif. Pourtant, les Savoyards ont un budget nettement supérieur aux Franciliens. Résultat, le ratio masse salariale / revenus (= budget) est de 75% chez GFDJ, contre 60% pour DAT, soit 15 points de moins ! Une différence colossale aux implications majeures : GFDJ dispose d’une enveloppe limitée pour la R&D, les stages et autres frais, ainsi que d’une marge de manœuvre limitée sur son recrutement. Ceci explique en grande partie pourquoi la bande de Marc Madiot est restée relativement discrète sur le marché des transferts, officialisant 4 recrues : Clément Berthet et Bastien Tronchon, libérés par Décathlon AG2R, ainsi que deux espoirs, Maxime Decomble, médaillé aux Europe en juniors, et Matteo Milan, petit frère du maillot vert du dernier Tour de France. Est-ce suffisant pour compenser le départ de Stefan Küng ? Pas sûr.
Dans tous les cas, avec l’augmentation toujours aussi impressionnante des budgets, ainsi que la disparition progressive des petites équipes WT, GFDJ se trouve à un tournant pour ce nouveau cycle 2026-2028. Avec 25 M€ de budget environ, les Français se retrouvent en bas de tableau. Leur effectif reste solide et le pari de la Conti est payant, tant que Madiot parviendra à garder ses pépites, Romain Grégoire en tête. Il semble donc alarmiste de considérer l’équipe en danger de relégation pour le prochain cycle. Mais il ne faudra pas trop de malchance, auquel cas les bleus et rouges risquent d’être plus proches de la 18e place que de la 10e. On ne leur souhaite pas, en tout cas et avec sa formation, l'espoir demeure.
L'Espoir passe par la Conti pour Groupama FDJ en 2026
La très bonne nouvelle pour Groupama pour 2026 et au delà, c'est la prolongation, annoncée il y a deux jours, de Thibaud Gruel et Brieuc Rolland, les deux derniers fleurons de la formation française.
Gruel possède un profil de sprinteur-puncheur très intéressant, qui devrait permettre au coureur de 21 ans de marquer de plus en plus de points dès 2026. Il ne faut pas oublier qu’il est également très performant sur les courts chronos et les prologues. Tout cela fait de lui un coureur capable de briller dans un premier temps sur les épreuves de la Coupe de France, et notamment sur les courses d’un jour. Certaines classiques italiennes semblent aussi parfaitement convenir à son profil.
Quant à Brieux Rolland, il apparaît surtout enclin à s’illustrer sur les courses d’un jour vallonnées, avec déjà quelques résultats intéressants cette année, avant de pouvoir progresser sur les courses par étapes, où il semble disposer d’une belle marge de progression, sans que l’on connaisse encore précisément ses limites.
Quoi qu’il en soit, c’est une excellente nouvelle pour Groupama-FDJ, qui pourra s’appuyer sur ces deux talents en plus de Romain Grégoire, fier porte-drapeau de la formation. Avec l’arrivée de Maxime Decomble, auteur d’une saison remarquée chez les Espoirs, ou encore de Bastien Tronchon pour les courses d’un jour, l’avenir paraît prometteur. Peut-être pas dès 2026, mais très probablement en 2027. Sans oublier que David Gaudu a prouvé sur la Vuelta qu’il était encore loin d’être fini.
Si le budget risque de limiter le recrutement futur et les ambitions, cette nouvelle génération devrait permettre à l’équipe de limiter la casse et de maintenir un niveau de performance essentiel pour rester en WorldTour.