Meilleure équipe française depuis plusieurs saisons, Groupama-FDJ entame un nouveau cycle depuis les départs de Pinot et Démare. Si l’avenir semblait radieux avec l’éclosion des jeunes de sa Conti, les rumeurs de transfert de ces derniers placent la formation de Marc Madiot dans une position délicate avant le Tour de France 2024.
En prenant sa retraite lors du dernier Tour de Lombardie, Thibaut Pinot a écrit la dernière page de son livre, mais pas seulement. C’est une page du sport français qui s’est refermée, mais aussi de l’équipe du Franc-comtois, la Groupama-FDJ. Depuis le début des années 2010, le vainqueur du Lombardie 2018 a écrit, aux côtés d’Arnaud Démare, la plus belle et glorieuse page de la formation de Marc Madiot, avec deux Monuments, un podium sur le Tour et de nombreuses étapes en Grands Tours. Mais voilà, les deux hommes ont quitté le navire en 2023 et GFDJ doit entamer un nouveau cycle pour garder son statut, celle de la meilleure équipe française, solidement installée dans le top 10 UCI depuis 2020. Et la tâche s’annonce corsée.
Grégoire, Martinez et Pithie, le succès de la Conti Groupama-FDJ en 2024
Pourtant, Marc Madiot avait bien anticipé. En lançant la « Continentale » en 2019, une équipe de formation avec un programme bien rodé, les Tricolores créaient un modèle qui fait référence encore aujourd’hui. « On a commencé à se tourner vers les jeunes bien avant certaines équipes, se vantait modestement le manager à notre micro fin 2023. On avait, et je pense qu’on a encore un petit coup d’avance, car au final les autres ont un peu repris notre modèle. Mais la concurrence est rude donc il faut que l’on reste attractif. » Il ne croyait pas si bien dire. Fin 2022, GFDJ annonçait le passage en professionnel de 8 coureurs issus de cette fameuse conti, dont deux des plus grands talents français de demain : le puncheur Romain Grégoire et le grimpeur Lenny Martinez. Deux profils à même de remplacer, dans le storytelling de l’équipe, la légende Pinot et le Breton David Gaudu, qui semble plafonner après sa belle 4e place sur le Tour 2022.
Les deux jeunots ne tardent pas à démontrer leur potentiel hors-norme. Notamment le second. Aligné sur la Vuelta 2023 au sein d’une classe biberon pour glaner de l’expérience, le Cannois surprend son monde en frôlant la victoire sur la 6e étape et en portant le maillot rouge de leader pendant 2 jours. Un baptême du feu idyllique sur trois semaines qui venait couronner une première année pro très prometteuse. Et plus que confirmée en 2024. Avec 4 victoires et deux top 10 sur des courses WT d’une semaine (Catalogne et Romandie), Martinez s’affirme un peu plus comme le coureur que tous les Français attendent.
L’été de tous les dangers pour Groupama-FDJ
Surtout, le Tricolore de 20 ans est le 1er pourvoyeur de points de son équipe (1 176), devant un autre ancien pensionnaire de la Conti, Laurence Pithie (1 110), alors que Romain Grégoire (618) est le 5e dans ce classement, juste derrière Küng (784) et Madouas (638). De quoi assurer la relève et maintenir l’équipe dans le top 10 UCI. Sauf que justement, la relève vacille : ces trois coureurs sont en fin de contrat en 2024. Les deux premiers sont même annoncés avec insistance sur le départ. Si le Néo-Zélandais est annoncé chez Bora-Hansgrohe pour renforcer un secteur flandrien dépourvu depuis quelques saisons, Martinez devrait lui rejoindre, de façon quasi certaine, Bahrain Victorious pour un salaire avoisinant les 2,5M€ annuels. Une somme sur laquelle GFDJ n’a pas pu s’aligner. L’équipe de Marc Madiot, dont le budget stagne aux alentours de 22 M€, se retrouve dans une situation extrêmement délicate juste avant le Tour de France et à deux mois de l’ouverture du mercato, le 1er août.
Avec 2 904 points UCI à eux trois, Martinez, Pithie et Grégoire ont glâné 46% des points de Groupama-FDJ en 2024. Dépendance.
Comment retenir ses pépites ? Et s’il est impossible de les retenir, face à la force de frappe des top teams étrangères, comment les remplacer ? Les options sont limitées. Si la Conti est riche en futurs talents, comme Brieuc Rolland ou Thibaud Gruel pour ne citer qu'eux, il faudra laisser 1 à 2 saisons d’adaptation aux plus mûrs afin qu’ils n’obtiennent des résultats probants. Il va donc falloir recruter, mais compte tenu de l’urgence et du manque de compétitivité des équipes françaises en matière de salaires (les cotisations patronales et sociales doublent quasiment le coût du salaire net), la tâche s’annonce ardue.
De plus, leur leader depuis maintenant plusieurs saisons, David Gaudu, apparaît en difficulté depuis plus d'un an. De quoi rendre le départ probable de Lenny Martinez encore plus dur à accepter compte tenu du manque d'options au niveau des classements généraux au sein de la formation française.
Peu d’options crédibles sur le marché des transferts
Sur le papier, il est difficile d’attirer un coureur au sommet ou en pleine ascension, comme Thymen Arensman, annoncé chez Decathlon AG2R. Les options les plus crédibles sont donc des paris : soit sur des coureurs en perte de vitesse et à relancer, soit sur des jeunes bloqués dans leur équipe par une concurrence intense. Dans ces catégories, on peut penser aux Néo-Zélandais d’UAE Finn Fischer-Black, et au Britannique Ethan Hayter. Les deux coureurs ont un potentiel énorme mais peinent à le confirmer, malgré quelques rares coups d’éclat. Ils semblent avoir la carrure et les qualités pour remplacer Martinez et Pithie. Problème, la question salariale risque de coincer. Respectivement chez UAE et Ineos, les deux Anglo-saxons sont habitués à des émoluments importants et le Team français va devoir être agile pour s’aligner sur leurs demandes. D’autres options méritent d’être étudiées, comme Hugh Carthy, grimpeur confirmé, même si il est plus en difficulté depuis 2 ans. Dans le même registre, Ben O'Connor aurait pu être un coup intéressant, mais il a retrouvé une belle forme et devrait rejoindre Jayco AlUla. Soren Kragh Andersen est aussi une option pour remplacer Pithie, au même titre que Davide Ballerini, parfois impressionnant sur le Giro. Evidemment, un coureur serait une recrue de luxe et très intéressante tant le profil manque, Kaden Groves, mais le sprinteur d'Alpecin doit coûter très cher. La Groupama a un beau passé d'Australiens dans l'équipe et n'a plus de purs sprinteurs depuis le départ de Démare. D'un autre côté, Groves est barré par Philipsen pour le Tour de France et aurait peut être intéret à quitter la formation belge pour s'émanciper. Pourquoi ne pas tenter un ancien de la maison, Marjin Van den Berg, qui possède un profil intéressant similaire à Pithie. En cas de départ de Gregoire, pourquoi ne pas se pencher vers Giovanni Aleotti, très bon sur le Tour d'Italie aux côtés de Daniel Felipe Martinez. Enfin, du côté des équipiers, un coureur comme Johan Jacobs aux côtés de Kung serait intéressant et remplacerait numériquement Lienhard.
Notre mercato pour Groupama FDJ :
Avec les départs de gros salaires comme Démare et Pinot, Groupama FDJ a tout de même normalement une petit marge de manoeuvre, sans pour autant être monstrueuse malgré les grosses économies de 2023.
Départs : Martinez (Bahrain) - Pithie (Bora hansgrohe) - Sarreau - Paleni - Lienhard
Prolongations : Geniets - Gregoire - Le Gac - Molard - Penhoët - Thompson - Van den Berg - Watson
Recrutement : Gruel (Conti FDJ) - Rolland (Conti) - Groves - Fisher Black - Hayter - Louvel - Jacobs
Quoiqu’il en soit, GFDJ doit préparer l’avenir et 2025 sera très certainement une année de transition profonde. Grâce à ses très bons résultats en 2023 et 2024, les Français sont à l’abri de la relégation et ont le luxe de pouvoir aborder le prochain cycle UCI dans un certain confort. Mais 2025 ne doit pas être une catastrophe non plus, dans une période de chamboulement du cyclisme mondial et pour ne pas faire fuir ses sponsors historiques. Bref, les deux mois à venir seront cruciaux, et Marc Madiot risque de peu dormir.
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