En lice pour une place en World Tour jusqu’à juillet dernier, le Team TotalÉnergies a réalisé un très mauvais début de saison et pointe à la 26e place mondiale en 2024. Avec le départ de Peter Sagan, Jean-René Bernaudeau souhaite recentrer son équipe sur les Français et son centre de formation, le Vendée U, en attendant Julian Alaphilippe pour 2025.
L’histoire d’une équipe cycliste est faite de cycles, de hauts et de bas, d’échecs et de réussites. Depuis 1991 et la création du Team Vendée U, Jean-René Bernaudeau a connu de nombreux cycles, avec pas moins de 9 noms différents et 6 sponsors majeurs. L’équipe compte également de nombreuses réussites : que ce soit le fabuleux Tour 2011 avec deux coureurs dans le top 10 et 11 jours en jaune avec Thomas Voeckler, 5 classiques World Tour remportées ou encore 10 victoires d’étapes sur le Tour de France. Mais plus aucune depuis Lilian Calmejane en 2017, et malgré la victoire surprise de Geoffrey Soupe sur la dernière Vuelta, le collectif vendéen vient de clore un cycle qui sonne plus comme un échec qu’une réussite.
Car fin 2023, un des plus grands coureurs du 21e siècle a pris sa retraite : le triple champion du monde Peter Sagan. Arrivé en Vendée avec sa garde rapprochée en 2022 (Maciej Bodnar, Daniel Oss et son frère Juraj), le Slovaque incarnait un projet plutôt ambitieux : rapatrier d’illustres champions, certes en fin de carrière, pour profiter de leur aura, leur expérience et ainsi franchir un cap, avec des victoires de prestige. Il en fut de même avec Edvald Boassen Hagen et Niki Terpstra, vainqueur du Ronde et de Roubaix. Malheureusement, malgré des salaires importants, le bilan de ce cycle, entamé en 2019, est plus mitigé que positif. Les Vendéens n’ont en effet remporté aucune victoire d’envergure grâce à ses têtes d’affiche. Pire, la montée en World Tour fin 2025, objectif non avoué, semble plus loin que jamais, avec plus de 4 000 points de retard sur DSM fin février.
Un retard déjà important, snobé par les organisateurs WT
D’autant que la saison 2024 n’a pas démarré sous les meilleurs hospices. Avec seulement 433 points au 6 mars, le Team TotalÉnergies occupe la 26e place sur l’année, et voit son concurrent direct, Uno-X prendre le large. « Ce classement, on ne le regarde pas tellement », nous disait Mathieu Burgaudeau au départ de Paris-Nice. « C’est sûr qu’on n’a pas été à la hauteur de notre niveau, mais ça ne sert pas à grand-chose de tirer des conclusions après 1 mois et demi de course », poursuivait celui qui a pris part à l’échappée dimanche. Certes, la saison est encore longue, mais les Vendéens voient la concurrence se densifier, avec l’émergence d’un nouvel adversaire redoutable : Tudor Pro Cycling. En plus d’avoir réalisé un mercato 2023 exceptionnel et de détenir un effectif plus qualitatif que Total, les Suisses disposent d’un autre atout de poids : en tant que partenaire chrono de nombreuses courses, l’horloger a fait jouer son influence auprès des organisateurs. Résultats, la structure de Fabian Cancellara, absente des débats en 2023, a raflé des invitations sur les courses World Tour les plus prestigieuses, et souvent aux dépens des Tricolores : Milan-San Remo, le Tour des Flandres ou encore l’Omloop Het Nieuswblad. Des courses sur lesquelles Total et son leader Anthony Turgis avaient l’habitude de briller pour glaner de gros points (10e à Remo en 2021, puis 2e en 2022 et 9e en 2023).
« Le World Tour ne m’intéresse pas. Le plus important est d’être premier ou deuxième de la Deuxième Division. » Jean-René Bernaudeau, manager du Team TotalÉnergies
« C’est sûr qu’avec ces résultats-là, ça pouvait faire un argument de poids », confiait Turgis à Direct Vélo fin février. « Mais apparemment ce n’était pas assez convaincant. Ça fait mal. Et ça fait bizarre de se dire qu’on ne va pas participer. J’y pense forcément mais c’est ainsi. » Si le Nordiste semble souffrir de cette situation, son patron n’est pas aussi fataliste. « Anthony sait qu’il est un peu responsable de cette situation comme Pierre Latour car ils ont fait des saisons très moyennes », a laché Bernaudeau à l’Equipe le 27 février. Avant d’ajouter : « mais le World Tour ne m’intéresse pas. Le plus important est d’être premier ou deuxième de la Deuxième Division, c’est-à-dire à la 19e ou 20e place du classement mondial », de sorte à ne pas dépendre des invitations des organisateurs grâce à des places garanties dans toutes les épreuves WT. C’est ce qui a permis à ses hommes de disputer toutes les classiques WT ou encore la Vuelta l’an passé.
Objectif Alaphilippe pour TotalEnergies en 2024 : est-ce raisonnable ?
Mais la 22e place actuelle sur plus d’un an ne permet pas d’y prétendre. Et au-delà des résultats, le Team TotalEnergies semble entre deux eaux : le départ de Sagan et consort n’a pas été compensé, malgré une masse salariale moins importante. « Aujourd’hui, on voudrait se recentrer sur les Français », a déclaré Bernaudeau, toujours à l’Equipe. Certes, l’effectif est plus que jamais francophone : avec 21 Français et 2 Belges, Total a fait table rase de ses coureurs internationaux, afin de recentrer son projet sur ce qui fait certainement sa plus grande force, son centre de formation. 11 coureurs sont issus du Vendée U dans le groupe 2024, soit près de la moitié de l’équipe. Mathieu Burgaudeau, déjà vainqueur sur Paris-Nice et auteur d’un superbe Tour de France 2023, en est le meilleur exemple, suivi de Sandy Dujardin, Valentin Ferron, Paul Ourselin ou encore Emilien Jeannière, surprenant 6e de Kuurne-Brussel-Kuurne. La structure dispose donc d’un véritable atout, qui continuera d’alimenter l’effectif en jeunes talentueux et de maintenir l’identité vendéenne au projet, qui compte également des leaders comme Turgis, Latour ou Steff Cras, trois coureurs du niveau World Tour avec des capacités pour rapporter de précieux points. Les trois coureurs sont d'ailleurs présents sur Paris-Nice, avec l'ambition de gagner une étape et de placer le grimpeur belge dans les 10 premiers de général.
Mais il manque une tête d’affiche au projet, pour lui permettre de retrouver ce statut de 1ère ou 2e Pro Team. Et ce coureur semble parfaitement identifié par Bernaudeau, qui multiplie les appels du pied auprès de Julian Alaphilippe depuis plus d’un an. Sauf que la probabilité de voir le double champion du monde rejoindre un projet en perte de vitesse est faible. D’autant que d’autres équipes, comme Cofidis via Cédric Vasseur, ont aussi fait part de leur intérêt. En France, Décathlon-AG2R serait également un beau point de chute pour Alaf, avec un projet neuf et sur de très bons rails. Bernaudeau va donc certainement devoir changer son fusil d’épaule et pourquoi pas refonder sa stratégie pour prétendre à la place de 1ère ou 2e Pro Team, et ainsi retrouver de l’énergie.
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