Romain Bardet, quelle place dans l’histoire du cyclisme moderne ?

A 34 ans, Romain Bardet a décidé de tirer sa révérence à l’issue du Critérium du Dauphiné 2025, après 14 saisons chez les professionnels. Avec deux podiums sur le Tour de France en 2016 et 2017, l’Auvergnat a longtemps incarné l’espoir de voir un Français s’imposer sur la Grande Boucle. S’il n’y est pas parvenu, on peut se demander quelle place il occupe dans l’histoire du cyclisme.

Lorsqu’un champion raccroche, l’heure est d’abord à l’émotion. Ensuite aux hommages. La qualité et la quantité de ceux-ci disent beaucoup de la grandeur du retraité. Ces prochains jours, Romain Bardet devrait connaître, sur le Dauphiné et après, plusieurs moments remplis d’émotions. Notamment le mardi 10 juin, lorsque le peloton s’élancera de Brioude, sa ville natale. L’Auvergnat, qui porte les couleurs du Team PicNic PostNL, se battra pour lever une dernière fois les bras, sur ses terres, avant de regarder le prochain Tour de France à la maison. Il profitera de sa famille et de son fils, Angus, bientôt 5 ans.

Pendant ce temps, beaucoup dresseront le bilan de ses 14 saisons dans le peloton professionnel. Avec une question : où placer Romain Bardet dans l’histoire du cyclisme ? Le grimpeur de 34 ans a marqué les esprits de millions de Français, est parvenu à se hisser deux fois sur le podium du Tour de France (2e en 2016 et 3e en 2017) et a pesé sur les Grands Tours pendant de longues années. Mais son palmarès ne rend pas hommage à son empreinte. Avec 11 victoires, certes de prestige (4 étapes du Tour de France, 1 sur la Vuelta, 1 sur le Dauphiné, le Tour des Alpes), et un maillot de meilleur grimpeur sur le Tour, il ne figure même pas dans le top 100 des coureurs en activité. Mais ce n’est pas à cette statistique qu’il faut s’arrêter. D’abord parce qu’il a incarné l’espoir, pour le public français, d’un succès sur le Tour.

Deux podiums du Tour mais seulement 11 victoires

Chaque année le même débat : qui succèdera à Bernard Hinault, dernier vainqueur tricolore en 1985 ? Une question qui amène une attente et une pression très lourdes pour quiconque la porte sur ses épaules. Bardet l’a endossée plus d’une fois, cette pression. De jeune espoir, membre d’une génération dorée, avec une 6e place prometteuse en 2015 à 25 ans, il est devenu un candidat solide pour la gagne en 2016 et 2017 face à l’inébranlable Team Sky. Puis il a marqué le pas, en 2018 et 2019, avant de subir de plein fouet le virage du Covid avec une vague de professionnalisation qui a tout chamboulé. Super teams, jeunes à l’appétit d’ogre et véritables mutants, autant de phénomènes qui ont impacté la carrière du Français, relégué au statut de second couteau. « En 2022, j'ai retrouvé des choses intéressantes et j'ai senti que, peut-être, je pouvais refaire un podium sur un grand tour, confiait-il à Eurosport en novembre dernier. A partir de 2023, les années ont passé, la concurrence sur les grands tours a changé et l'âge faisant, il fallait se recentrer sur des objectifs atteignables. »

Bardet sur le podium du Tour de France 2016

La meilleure illustration de cette prise de conscience reste probablement son échappée au long cours avec Remco Evenepoel sur la Vuelta 2023. Echappé avec le champion de Belgique sur la 14e étape pendant plus de 80 kilomètres, l’Auvergnat a roulé jusqu’à ne plus en pouvoir. A l’arrivée, Remco est venu dans son bus lui remettre son prix de la combativité, tandis que le Français avait avoué, devant les micros, « avoir passé une super journée quand même ». Avant d’ajouter : « Ce n'est pas tous les jours qu'on roule avec des légendes à l'avant. » Une déclaration digne d’un gamin face à son idole, d’un amateur face à un pro. Comme si, finalement, lui-même ne se considérait pas comme un champion. Pourtant, il en est un : en plus de son palmarès évoqué plus haut, l’ancien d’AG2R s’est hissé sur le podium de Liège-Bastogne-Liège à deux reprises, ou encore du Mondial en 2018, battu au sprint par Alejandro Valverde. On peut regretter, d’ailleurs, qu’il n’ait pas consacré assez de temps aux Classiques et aux autres Grands Tours.

Le Giro, le plus grand regret de Romain Bardet

Au Giro, notamment, source de ses plus grands regrets. On pense bien sûr au Giro 2022, qui s’annonçait grandiose, puisqu’il occupait la 4e place au soir de la 12e étape, à 14 secondes du maillot rose et qu’il semblait le plus fort en montagne, avant d’abandonner le lendemain à cause de gros problèmes gastriques. On pense également au fait de ne pas avoir remporté d’étape du Giro, malgré plusieurs possibilités réelles (16e étape en 2021, 9e étape en 2022, 17e étape en 2025). De quoi le faire entrer dans le cercle des vainqueurs d’étape sur les trois Grands Tours (ils sont 113 dans l’histoire). Autant d’occasions manquées qui rendent compliqué de le placer dans l’histoire du cyclisme.

Coureurs comptant le plus de Top 10 au classement général du Tour de France au 21e siècle

Finalement, sur le plan purement statistique, nous avons trouvé celle qui illustre la place de Romain Bardet dans la hiérarchie au 21e siècle. Avec 6 top 10 sur le Tour de France, dont 2 podiums, il est tout simplement le 2e coureur à en compter autant, derrière Alejandro Valverde (7) et à égalité avec 4 autres légendes : Chris Froome, Alberto Contador, Cadel Evans et Carlos Sastre. Voici la catégorie de coureurs à laquelle Bardet devrait appartenir : celle des coureurs par étapes les plus réguliers du siècle, ayant souvent tutoyé les sommets. Malheureusement, Bardet, lui, n'a pas touché ce sommet d’une victoire en Grand Tour. Mais il a touché nos cœurs pour toujours. Merci, et bon vent, champion.