L'interview complète de Nicolas Boisson, entraineur de la conti Groupama FDJ
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L'interview complète de Nicolas Boisson, entraineur de la conti Groupama FDJ

Retrouvez l'interview complète de Nicolas Boisson, entraineur de l'équipe Continental Groupama FDJ. Stratégie de recrutement, fonctionnement, objectifs de la conti, vous en apprendrez beaucoup.

Avant de lire cette interview, vous pouvez retrouver notre enquête sur la réussite de la conti, ainsi que la description des huit néo-pros qui vont rejoindre l'équipe principale Groupama FDJ en 2023.


En quoi consiste votre métier ?

Je suis entraineur de l’équipe Continental et de l’équipe WT - avec un rôle qui se passe à la maison, sur tout ce qui est planification de l’entrainement, proposer les séances et puis les débriefer à partir des data qu’on peut récolter grâce aux capteurs de puissance mais aussi avec les sensations de l’athlète. J’ai aussi un rôle sur le terrain à Besançon, sur tout ce qui va être entrainements collectifs, passer du temps avec les coureurs... Et puis j’ai aussi un rôle en compétition. Là, on est en support des directeurs sportifs, on les aide dans la préparation d’avant-course, on part avant les coureurs afin de faire l’avant course et noter des informations sur le parcours « il faut passer tel rond-point par la droite ou par la gauche », s’il y a des endroits dangereux ou autres… Je suis également appelé à avoir un rôle dans des temps après la course, dans ce qui va être analyse des données.


C’est un rôle multitache, plus que chez les pros, non ?

Non, parce que c’est le métier, les entraineurs des deux équipes ont les mêmes missions. Après, la seule différence, c’est que les entraineurs de la World Tour n’ont pas forcément le temps avec les coureurs à Besançon. Mais il y a aussi beaucoup plus de stages donc au final, on s’y retrouve.


Est-ce qu’il y a aussi une approche mentale dans votre rôle ? Dans l’accompagnement des coureurs ?

Les coureurs peuvent travailler avec un préparateur mental, que l’on a au sein de l’équipe. Mais c’est sûr que nous, notre partie, ça nécessite d’avoir une certaine approche, de trouver les bons mots. Par exemple, c’est dans les moments de doute que notre rôle est important. Le but c’est de les aider à sortir de cette période-là qui pourrait nuire à leurs performances.


Il n'y en a pas trop eu cette année visiblement (rires)

Il y en a eu quand même… Ca ne se voit pas toujours mais il y en a.


Sur la Conti en elle-même, pour vous, quelle importance d’avoir une Conti dans le cyclisme actuel ?

Déjà, c’était une volonté de la part de l’équipe depuis plusieurs années, l’équipe a toujours été sensible aux jeunes coureurs et l’arrivée de Groupama a permis de créer cette équipe Conti. Pour nous, le but était de ne pas perdre de temps dans la formation des coureurs. Aujourd’hui, on voit que les coureurs sont performants de plus en plus jeunes et c’est vrai que c’est très important pour nous d’être prêt, de savoir que quand ils arriveront à l’échelon supérieur, ils seront de suite prêts. Il n’y a plus ces une ou deux années que l’on pouvait avoir par le passé à former des coureurs. Aujourd’hui quand un coureur passe de la Conti à la World Tour, ça se passe de suite très bien. Alexys Brunel avait gagné d’entrée sa première course, Jake Stewart avait été capable de faire 2e d’une course World Tour (Het Nieuwbslad), Kevin Geniets, qui avait fait très peu de temps avec nous, a été très performant dès qu’il a été sur les classiques… Sans oublier d’autres coureurs.


Comment expliquer cela ?

Il y a un peu de tout. Les jeunes sont de plus en plus professionnels, avant même d’arriver chez nous. Aujourd’hui, tout le monde sait se servir d’un compteur GPS, d’un capteur de puissance, tout le monde a déjà été massé, tout le monde a été sensibilisé à la nutrition… Donc c’est sûr qu’on gagne du temps. Les jeunes arrivent sans complexe désormais.


Nous avons l'impression que les coureurs performent jeunes depuis que les équipes de développement se multiplient. Confirmez-vous ce lien ?

Tout à fait. Après, il y a bien eu d’autres équipes qui formaient des bons coureurs dans le passé, comme BMC, Axeon ou Rabobank à l’époque, mais c’est sûr qu’aujourd’hui on facilite leur accès au haut niveau. En plus, même si on est des équipes continentales, on bénéficie des mêmes moyens que les équipes World Tour donc c’est sûr que, par rapport à une équipe amateure, on ne fait pas du tout les mêmes choses. Avoir un staff qui est salarié, ça change beaucoup également et on gagne du temps.


Nous avons établi un classement des équipes formations. On observe une vraie différence entre les équipes développement faites de jeunes et les équipes conti.

Nous, on reste quand même dans la formation, on a que des coureurs espoirs.


Vous êtes rattachés à une WT, quand d'autres équipes WT forment des partenariats avec des structures spécialisées.

Ça oui. Nous on est rattaché à l’équipe WT alors que d’autres sont plus indépendantes.


Pourquoi ce choix de la Groupama d’avoir sa propre conti ?

Pour plusieurs raisons. Déjà, on avait les moyens qui nous permettait de faire une équipe conti. Et puis, quand on est rattaché à une équipe WT, c’est plus facile parce que nos moyens sont unis, on a les mêmes méthodes de travail, on a des échanges au sein des équipes, au sein des staff. Ce que d’autres équipes ne peuvent pas vraiment faire. Et je pense que c’est un vrai plus. Que les coureurs puissent aller courir avec la WT, ça leur montre aussi ce qui les attend à l’échelon d’au-dessus. Et puis aussi, alors nous on ne l’a pas souvent fait, mais les coureurs WT peuvent aussi redescendre pour courir avec la Conti. Il y a Sebastien Reichenbach qui est venu faire le Tour d’Alsace après une blessure. Il y avait aussi Miles Scotscon, dans une petite période sans course, qui avait couru le Baltic Chain Tour. Alexys Brunel, il y a deux ou trois ans, avait aussi couru avec nous le Samyn. Donc, voilà, ça peut se faire dans les deux sens. Après pour nous, la vraie plus-value c’est de permettre à des jeunes coureurs d’aller courir avec l’équipe WT. Ça pouvait se faire par le passé via les stagiaires mais c’était limité à trois coureurs et seulement à partir d’août. Nous, on peut le faire toute la saison. Ça permet de tester de suite au niveau au-dessus un coureur qui semble prêt, à l’image de Lenny Martinez (Tour des Alpes ou Mercantour Classic).


Vous êtes-vous inspiré d'équipes déjà existantes comme DSM, ou est-ce seulement juste une question de temps et de budget ?

C’était vraiment une question de temps. Ça faisait plusieurs années qu’on voulait le faire. Avant, on travaillait déjà beaucoup avec les jeunes avec le Cycle Formation ou la Fondation FDJ donc voilà on a tjs formé des jeunes coureurs mais ils étaient tous dans des clubs différents donc on ne les avait pas quand on le voulait et ils restaient dans leurs clubs. Là, au moins, on a pu accélérer le processus et travailler comme on le souhaitait. Après, bien sûr que l’on a regardé les autres équipes aussi mais ce n'est pas ça qui a fait que l’on a créé une équipe Conti. On la voulait depuis plusieurs années. Il y a aussi eu une réforme de l’UCI qui exigeait que les équipes WT aient une réserve. Au final, c’est tombé à l’eau mais nous on est resté dans cette philosophie.


8 signatures cet été, c'est une vraie réussite. Cela permet la création d’une identité FDJ.

Tout à fait. Après les coureurs ont envie de venir chez nous et ils ont surtout envie d’y rester. C’est le plus important.


Quels sont vos critères de scouting ?

Ça se fait en plusieurs temps. Avant je passais énormément de temps sur le terrain, pendant trois ans j’étais consacré à faire du scouting, pur et dur, avant que l’on crée la Conti. Ça passait par beaucoup de temps sur le terrain, à aller voir les coureurs, à échanger avec eux, à échanger avec les structures. Aujourd’hui c’est différent parce qu’on est beaucoup sur les courses. Surtout, chaque coureur a un agent donc on reçoit de plus en plus de candidatures via les agents. Après le tri se fait par les résultats du coureur, par ses données et, surtout, qu’il adhère au projet, différent celui des autres Conti. Nous, tous les coureurs habitent à Besançon. D’autres structures ne le font pas. Des fois c’est un plus, parfois ça freine d’autres coureurs mais au final, nous on est gagnant.


Il y a beaucoup de Britanniques à la FDJ, est-ce une volonté ?

Non pas spécialement. La première année, on avait recruté Jake Stewart avec qui ça c’est très bien passé et ça a donné envie à pas mal de coureurs britanniques de venir. Après, nous on apprécie aussi leur manière de fonctionner. Aujourd’hui, le cyclisme est de plus en plus international, parler l’anglais ça reste très important donc avoir des coureurs anglais c’est logique (rires). Ils ont aussi un bonne école là-bas en Grande-Bretagne. Depuis un ou deux ans c’est un peu plus compliqué pour reux pour diverses raisons - avec le Brexit puis le Covid – et c’est aussi la crise chez eux. Mais les coureurs ont aussi envie de venir chez nous. Il y a Jake, il y a eu Lewis (Askey) et ça donne encore plus envie aux autres de venir chez nous.


Vous savez déjà qui va rejoindre la Conti l’an prochain ?

En grande partie, oui. Le mercato n’est pas encore clôturé mais on a déjà les ¾ de l’effectif.


On peut avoir quelques noms ou c’est secret ?

C’est secret (rires). Il y en a deux qui ont déjà signé mais les autres sont encore en course de signatures…


Avez-vous des quota de Français en Conti ?

Non, il n’y a pas de quota mais c’est impoirtant d’en avoir, on reste une équipe française avec deux partenaires principaux qui sont français, une identité d’équipe qui est française donc c’est important d’avoir des Français dans l’équipe. Mais si on prend l’exemple de cette année et des années passées, il y avait souvent plus d’étrangers que de coureurs français… Mais on a toujours une base de 4-5 coureurs français, c’est le minimum… On n’a pas de demande précise du sponsor mais c’est une volonté commune, des sponsors et de nous, de ne pas faire une équipe internationale.


D’autant que l’équipe WT a beaucoup de Français…

Oui mais cette année, elle n’en avait pas tant que cela… J’étais sur le Giro et il n’y avait que deux coureurs français : Arnaud Démare et Clément Davy. On a des leaders français mais on a quand même beaucoup d’équipiers étrangers, là où, dans le passé, c’était une équipe qui était quasi exclusivement française. Après l’équipe grandit, de plus en plus de coureurs étrangers ont envie de nous rejoindre. Il ne faut pas être franchouillard non plus, c’est important aussi d’avoir des coureurs étrangers. Des fois le grand public ne comprend pas toujours mais on reste une équipe professionnelle. C’est comme si une équipe comme le Paris Saint-Germain ne voulait que des joueurs parisiens ou français. Aujourd’hui, c’est quasi impossible.


Comment expliquer la réussite de 2022 ?

On s’est toujours dit qu’il allait nous falloir trois ans pour réussir à créer une équipe. On a toujours dit la première année on met en place, la deuxième année on ajuste et la troisième année, tout va bien. Après il y a eu le Covid qui nous a freiné vu que la saison s’est déroulé sur 3 mois et demi. Mais cette saison on est dans notre belle année pure et dure. On a pu faire vraiment ce qu’on voulait, chacun a pris ses marques, on a pu ajuster le projet comme le souhaitait. Après on a aussi eu un recrutement qui était de qualité… Quand on recrute des coureurs de la qualité de Grégoire ou Martinez, on ne va pas dire que l’on est « assuré » d’avoir de bons résultats, parce ce n’est pas toujours si simple que ça, mais on avait une belle promotion. Surtout, aujourd’hui, il y a un, bel état d’esprit et je pense que c’est ça qui fait la différence. On a beau avoir de belles individualités, aujourd’hui, si tu ne cours pas en équipes, c’est quasi impossible de gagner beaucoup de courses alors que nous, on a dix coureurs qui ont gagné cette saison. Ca montre la richesse de la structure.


Vous êtes l'équipe de développement qui a le plus gagné cette saison, non ?

Oui, mais c’était déjà le cas l’année dernière. Après si on regarde au classement des Conti et des Pro Teams, on est 8e. Donc voilà, on est devant des équipes qui sont Continental Pro et on est à 10 ou 15 points d’une formation comme B&B… Bien sûr, on ne fait pas non plus les mêmes courses mais ça montre qu’on a une belle structure, qu’il y a beaucoup de victoires et que ça tourne bien.


Avec un effectif qui va devoir se renouveler quasi entièrement, est-ce reparti pour un cycle de 3 ans ?

On le sait, on ne refera pas la même saison que celle-ci. On ne sait pas si ça sera deux ans ou trois ans mais on va repartir un nouveau cycle.


Qu'en est-il des contrats ?

Nous on propose systématiquement aux jeunes coureurs des contrats de deux ans. Quand ce sont des Espoirs 3, c’est un an ou deux ans. Quand ce sont des Espoirs 4, c’est un an. Après on a eu le cas cette année d’un coureur junior qui ne voulait qu’un an. Mais on essaie tout de même de proposer des contrats de deux ans, non pas pour bloquer le coureur mais plutôt car, avec un contrat d’un an, on se met plus rapidement à douter quand les résultats ne suivent pas en début d’année. Quand on a deux ans, le coureur est un peu plus tranquille et il n’a pas de pression.


Quels sont les objectifs à long terme ? Avoir un pourcentage de coureurs formés à la Conti ?

Le but de la Conti, c’est qu’elle forme les meilleurs coureurs et qu’après on puisse les garder pour alimenter l’équipe première. C’est aussi de former des coureurs pour d’autres équipes, parce que ça reste le but de la Conti après tout. Si on les forme et qu’ils filent ailleurs ensuite, ce n’est pas un problème pour nous parce qu’au final, on est content que les coureurs ne restent pas sur le carreau en sortant de chez nous. Après, le but ça reste quand même de garder les meilleurs, ou en tout cas les coureurs que l’on veut conserver. Le cas qui avait un peu parlé, c’était celui de Marijn Van den Berg. Après, on n’avait pas forcément de places pour un coureur de son profil, il est parti dans une autre équipe et nous, ça ne nous empêche pas d’être très content. Si ça se trouve, dans un ou deux ans, il reviendra chez nous.


Dans le même style, il y a le cas Plowright ?

C’est un sprinteur australien et on a déjà des coureurs dans son profil, avec Paul Penhoet, coureur français en qui on croit beaucoup. Il y a aussi des coureurs comme Welten, Stewart qui ont de belles qualités de sprinteur donc. Après c’est sûr qu’être numéro 2 ou numéro 3, ce sont des choix à faire. Après, nous on reste content pour lui parce qu’il a trouvé une équipe et ça reste la Conti qui lui a permis de trouver un contrat. Moi je me rappelle de Jensen (Plowright) : l’an dernier, il n’y a pas grand-monde qui en voulait et aujourd’hui, tout le monde le veut. C’est aussi une vraie fierté pour la Conti.


Comment se décide le calendrier des néo-pros pour les années de transition ?

Au mois d’août, on n’en a pas encore parlé (rires) mais on l’évoquera au mois d’octobre, lors des entretiens. Pour certains coureurs, il y a une transition qui va se faire dans l’entrainement et après, oui, on discute tous ensemble, que ce soit avec les entraineurs ou les directeurs sportifs. Comme je le disais tout à l’heure, le gros avantage c’est qu’aujourd’hui nous sommes 6 entraineurs pour l’équipe Wt et Conti. Il y a Joseph Berlin-Simon, Maxime Latourse qui sont entraineurs Conti, il y a moi qui suis moitié Conti-moitié WT et après Anthony Bouillod, Julien Pinot et David Han qui sont eux à 100% sur l’équipe WT. Après, sur ces six-là, on est 5 à habiter Besançon donc on a les mêmes bureaux, les mêmes méthodes de travail… C’est vraiment un travail commun, il n’y a pas trop de distinction entre la Conti et la WT. Il peut y en avoir une sur les coureurs que l’on entraine, bien sûr, mais sur la méthode et le partage d’informations, nous ne sommes qu’une équipe.


Y a-t-il un coureur de la Conti en avance qui pourrait signer pro en 2024 ?

Sur la promo actuelle, il n’y en a que trois qui peuvent rester : Eddy Le Huitouze, qui a encore un an de contrat. Finlay Pickering. Lui, on sait que le but pour nous c’est de le garder. ET puis après il y aura Joseph Pidcock, à voir. Mais c’est sûr qu’on va repartir avec neuf ou dix nouveaux coureurs. Ce n’est pas forcément un problème non plus parce que ça montre qu’on a fait du bon boulot, ce sont tous des coureurs qui filent à l’échelon supérieur.


Finalement, l'objectif de la conti est surtout de faire passer des coureurs en pro, mais pas forcément chez FDJ.

Exactement. Comme je le disais, si ce n’est pas chez nous, qu’ils aillent dans d’autres équipes, on est aussi très content. Si on garde les coureurs de l’an passé, j’ai gardé de bons contacts avec Alexandre Balmer, Antoine Raugel, Marijn van den Berg que j’ai toujours apprécié, Hugo Page…

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