Hier, nous avons assisté à une démonstration aussi bien visuelle que statistique. Après un record d'ascension logiquement battu au Pla d'Adet, celui de Marco Pantani a été explosé au Plateau de Beille pour ce qui est probablement la performance la plus impressionannte du 21e siècle (pour ce qui est de l'histoire, on parle de ce qu'on a vu de nos propres yeux mais c'est fort possible aussi). Face à cette démonstration, on vous partage notre ressenti.
Cette édito est un ressenti personnel et n'est en aucun cas à associer à Vélofuté
Il est parfois difficile de mettre des mots sur ce qu'on voit. Hier, ce fut le cas. La démonstration de Pogacar a pris des allures de gifle dans un Tour de France pourtant si passionant jusque-là mais qui a semblé, dimanche, porter sur ses épaules le poids de son lourd passé. Les commentaires sur les réseaux sociaux sont lourds de sens et je me devais de réagir à cela.
Le contexte
Tadej Pogacar sort du Giro et enchaine pour la première fois un deuxième Grand Tour dans sa carrière, avec le Tour de France pour tenter un doublé jamais réussi au 21e siècle. Le dernier à l'avoir fait, Marco Pantani, était aussi celui qui détenait le record de la montée du Plateau de Beille en plus de 43 minutes. Inutile d'être precis sur les secondes, ce n'est pas si important finalement. De l'autre côté, Jonas Vingegaard a gravement chuté et a souffert d'un pneumotorax en avril dernier, passant plus de 15 jours à l'hopital et participait au Tour de France sans aucune course depuis sa blessure. Un petit miracle déjà.
C'est dans ces conditions que le Tour de France 2024 s'est lancé, sur de superbes bases. Un Tour de France passionnant, un Vingegaard au rendez-vous, heureusement pour le suspense et des écarts limités à la fin de la première semaine, jusqu'à ce week-end historique et terrible pour le suspense. En deux jours, Pogacar et Vingegaard ont fait parlé les chiffres. Des chiffres incroyables et l'impression grandissante qu'ils sont seuls au monde, malgré le contexte dont nous avons parlé. Et encore, il semble que Pogacar soit lui aussi un cran au-dessus du Danois. Seul au monde
Une performance historique et des records en bagaille
Comme je le disais, je m'attendais à voir le record battu au plat d'Adet. La montée correspondait si bien à Pogacar, meilleur coureur du siècle avec un matériel à la pointe, que c'était logique. Mais je n'imaginais pas que dès le lendemain, après une étape courue à toute allure sur 200km à 5000m de dénivelé, il serait capable d'écraser à ce point le record de Marco Pantani, mais aussi ses adversaires. Cela m'a fait l'effet d'un choc. Trois minutes trente de mieux que l'Italien, c'est tout simplement fou. Le matériel ne peut justifier à lui seul la différence et on est véritablement confronté à la plus grande performance de tous les temps.
Devant ma télé, j'étais dans l'iexpectative. Comment est-ce possible de voir en 15 km de tels écarts entre l’élite des grimpeurs ? Au-delà de Marco Pantani, c'est aussi Alberto Contador qui a été éffacé de plus de quatre minutes. Et ses adversaires, qui ont tous fait de grandes performances, ont été humiliés. Je me mets à leur place, cela doit être terrible de se dire qu'il y a un tel écart avec le vainqueur. Faire partie des meilleurs du monde et être pourtant si loin de pouvoir envisager simplement le podium. C'est difficile à accepter pour un compétiteur.
Me voilà donc particulièrement confus ce matin. Je ne comprends pas comment il peut y avoir une telle différence. D'année en année, et particulièrement depuis 2020, les performances ne cessent de croitre de manière spectaculaire. En 2023, on pensait avoir atteint le sommet du vélo des années 2020. Et 2024 l'a balayé d'un revers. Et c'était la même chose avec 2022.
Qu'en conclure ?
L'idée n'est pas d'accuser de dopage car le sens même du mot dopage est déjà bien trop flou, on le sait. Il y a tant de zones grises dans le règlement que je suis quasi certains que les coureurs ne l'enfreignent pas. Ils sont probablement pour certains dans l'entre deux, comme avec cette histoire de monoxyde de carbone, un produit qui n'est pas interdit et donc pas considéré comme dopant, mais sans doute mauvais pour la santé et bien efficace si des coureurs l'utilisent. C'est donc tout un système qui est dans le faux. Tout un système qu'il faudrait revoir car nous ne sommes pas en F1. Les zones grises ont de l'importance car il ne s'agit pas d'une monoplace et d'une pièce mécanique mais d'un humain. Ça ne tiendrait qu’à moi, j’inverserais le règlement, interdisant tout produit qui ne fait pas partie d’une liste. Par principe. Et utiliser un produit qui n’est pas dans la liste obligerait à faire une demande à l’UCI, qui jugerait via les labos avec qui ils travaillent, si celui-ci a sa place ou non.
L'idée est donc surtout de se questionner. Comment peut-on accepter de telles différences entre les équipes ? Le budget étant évidemment globalement correlé au niveau de celle-ci. Quand on peut avoir un coureur, 4e dans la hierarchie, capable de gagner un GT et d'être leader dans 95% des équipes, il y a un problème d'équité. Accepter que certaines équipes roulent sur les autres dès que cela devient difficile. Comment peut-on ne pas se questionner sur la différence entre de tels coureurs, normalement adversaires et d'un calibre plutôt proche sur le papier? Car Vingegaard hier réalise sûrement la meilleure montée de sa carrière en termes de chiffre et prend 1 minute. Jusque là, c'était le meilleur grimpeur du monde de loin. C'est dire la progression et la performance de Pogi. Evenepoel a lui aussi réalisé sa meilleure performance en carrière en montagne et en prend trois. Le tout en étant à 9 minutes du record de Pantani. Comment a-t-il fait ? Le tout est d'agir pour vite trouver un équilibre avant que cela ne s'effondre. Ne soyons pas dans la réaction mais dans l'action pour une fois.
Bref, la journée d'hier a été déconcertante à bien des égards et il faut se poser la question. Que s'est-il passé ? Sans être accusateur, il faut néanmoins se rendre de compte de ce à quoi on vient d'assister. Une performance hors norme. Une humiliation. Et aujourd'hui, je me demande : quelle est la limite ?
Merci pour cette analyse pertinente et objective de la situation !