top of page

Cols de Légende 3 : Le nouveau livre phare sur les cols hors catégorie

Après Col de Légende 1 et 2, Nicolas Geay, journaliste phare du Tour de France Femmes et du cyclisme sur France 2, nous accorde cette interview autour de son dernier ouvrage, Cols de légende – Tome 3. Ensemble, on revient sur la genèse de ce troisième volume, l’ouverture aux cols étrangers, la quête du « col parfait » et cette envie intacte de continuer à explorer la montagne… à vélo.


interview nicolas geay cols de légende 3


Tu disais après le tome 2 que tu n’étais même pas sûr d’en écrire un troisième. Finalement, il existe. Qu’est-ce qui t’a convaincu de repartir ?

À la base, je pensais vraiment m’arrêter au deuxième. Et puis, en rentrant du Grand Colombier — qui clôturait le tome 2 — dans le TGV, j’ai commencé par réflexe une petite liste de cols que je n’avais pas encore faits. La Madeleine, par exemple, n’avait jamais figuré dans les deux premiers tomes, ce qui commençait à devenir une aberration. Cette liste m’a montré qu’il restait encore des cols importants ou simplement magnifiques à raconter.

Ensuite, j’en ai parlé avec Renaud Dubois, mon éditeur. Le tome 2 avait très correctement marché, il m’a dit : « Si tu veux repartir pour un troisième, on est derrière toi. » Je n’envisageais pas du tout un tome 3, mais l’idée d’une nouvelle aventure, et surtout de remonter sur le vélo pour aller voir de nouveaux cols, m’a replongé dedans. À partir de là, l’envie est revenue naturellement.


Dans ce tome, tu vas plus loin à l’étranger : Italie, Espagne. Pourquoi cette ouverture ?

J’avais déjà touché les frontières avec la Lombarde ou Jaizkibel, mais là, on s’est vraiment demandé avec Renaud si on ne devait pas aller chercher certains monuments européens. Le Stelvio, l’Angliru, ce sont des lieux que tout cycliste connaît de nom mais pas forcément “de l’intérieur”.

Et puis un collègue m’a parlé de la Fauniera. Je n’y avais jamais mis les roues. Je l’ai montée sous l’orage, mais j’ai compris immédiatement qu’elle méritait d’être dans ce tome. Le but n’était pas de faire un livre étranger, mais d’ajouter quelques cols mythiques qui complétaient parfaitement l’ensemble. On a choisi ceux qui racontent quelque chose de fort.


Tu ne peux pas tout mettre. À chaque fois, tu tournes autour d’une vingtaine de cols. Comment tu les choisis ? Il y a les grands mythiques – Stelvio, Angliru, Alpe d’Huez… – mais tu as aussi des cols beaucoup moins connus. Sur quoi tu te bases ?

C’est très personnel, mais nourri de beaucoup d’échanges.Je discute avec Pascal Coic, mon complice photographe, avec Rudy Molard, Amaël Moinard, Geoffroy Lequatre… Des grimpeurs, des gens de confiance.

Je fais une liste avec :

  • des mythiques évidents (Madeleine, Galibier, Angliru…)

  • des cols standards mais importants,

  • et surtout des cols méconnus (Mont Colombis, Moutière, Sabot, Sarenne…).


L’objectif était de proposer un panachage, que chacun trouve un col dans « son » massif. L'idée aussi est de confronter gros cols / cols accessibles / cols sauvages / cols très durs.


Le col du Sabot est mon coup de cœur du tome. Très peu connu, une merveille. La Moutière aussi : magnifique, très haut, préservé. Ces découvertes-là sont ce qui m’animent le plus.



Avec ton métier très prenant, comment arrives-tu à écrire, t’entraîner et monter tous ces cols ?

L’hiver est consacré à l’écriture et aux recherches : profils, données techniques, histoire, souvenirs de courses, interviews de coureurs. Dès janvier, je recommence à rouler sérieusement. Deux à trois sorties par semaine, sinon tu arrives rincé dans les forts pourcentages. Cela prend pas mal de temps !

Puis entre avril et fin juin, je réalise les ascensions avec Pascal Coic. Là, on a très peu de marge : tu dois concilier météo, boulot, et ouverture des routes. Il y a des cols où on a essuyé la pluie ou le froid, mais on ne peut pas attendre trois semaines pour y retourner. C’est parfois une gestion sans filet.


Col du finestre
Col du Finestre en Italie, avec la fin du col en gravel.

Tu gardes toujours la même structure pour chaque col : une partie très descriptive, une partie historique, et ton récit de montée. Pourquoi avoir choisi ce format-là ? Qu’est-ce qu’il apporte, selon toi ?

C’est un format imaginé avec Renaud dès le premier tome. Il fonctionne :

Les lecteurs peuvent picorer ce dont ils ont besoin — le profil, le dénivelé, les repères historiques — mais aussi se projeter grâce à la montée vécue.

Je raconte vraiment ce qui se passe pour moi, sans embellir. L’idée n’est pas de me mettre en avant, mais de donner un repère concret. Quand quelqu’un lit que j’ai mis tant de temps ou que j’ai galéré dans tel passage, ça l’aide à se situer, à anticiper.



Avec ce côté très immersif, est-ce qu’il y a un col, dans ce tome, dont tu t’es dit : “Celui-là, je n’arriverai jamais à lui rendre justice à l’écrit, tellement c’était beau ou dingue à vivre” ?

Le Stelvio, clairement. Quand tu arrives dans les grands lacets, tu te sens minuscule dans un décor monumental. C’est difficile de traduire ça en mots. L’Angliru aussi. La fameuse rampe de la Cuena les Cabres est tellement violente que même écrire “20 à 25 %” ne dit pas tout. J’étais à 5 km/h, j’ai rarement connu ça.

Mais globalement, les émotions passent. Ce qui me fait plaisir, c’est quand un lecteur me dit : « Tu m’as donné envie d’y aller » ou « Je l’ai monté en pensant à ton passage ». Là, je me dis que j’ai réussi.


Avec tous les cols que tu as grimpés pour les trois tomes, est-ce que tu cherches encore le “col parfait”, ou tu as appris à aimer l’imperfection, la part d’hostilité, les défauts ?

En fait, ce livre et ses suites, je les ai faits pour ça. Pas pour devenir riche, clairement, mais pour cette quête-là.

Oui, je cherche un col qui cumule :

  • la difficulté,

  • la beauté,

  • le côté préservé,

  • l’impression d’être seul au monde.

J’ai l’impression de m’en approcher sur quelques-uns : la Hourquette d’Ancizan, la Cayolle, le col du Sabot, la Moutière… La Moutière, honnêtement, n’est pas loin d’être ce col parfait : un géant, préservé, où il n’y a personne, dans un décor incroyable.

Je suis frustré de ne pas avoir fait certains cols dont on m’a beaucoup parlé, comme le col du Joly, le Cormet d’Arêches… J’ai l’impression qu’ils ont ce potentiel aussi.

En tout cas, ce col parfait, ce n’est pas un “grand nom” type Galibier ou Croix de Fer, et encore moins l’Alpe d’Huez. Rien contre, mais ce n’est pas ça. Je me dirige de plus en plus vers les petits cols derrière, cachés, comme l’Arpettaz dans le tome 2, la Cayolle, la Moutière, le Sabot… C’est là que je prends le plus de plaisir.


col de la moutière
Col de la Moutière, proche du "col parfait" selon Nicolas.

Finalement, est-ce que ta plus grande satisfaction, ce n’est pas quand tu fais découvrir un col dont quasiment personne n’a entendu parler ?

Si, clairement. Je suis assez fier quand je vois, sur les réseaux ou ailleurs, des gens qui me disent : « J’ai découvert tel col grâce à toi. »

On a beaucoup parlé, par exemple, de Cap-de-Long, de l’Artzamendi… J’ai souvent simplement relayé ce qu’en disaient d’autres, comme Bixente Lizarazu, mais le Mont Colombis, la Moutière, le Sabot, ce sont des endroits où presque personne n’allait.

Quand on me dit : « Grâce à ton livre, je suis allé monter l’Arpette, c’était magnifique, merci », là tu te dis que le travail a servi à quelque chose. C’est vraiment l’idée du livre : donner envie aux gens d’aller dans ces coins-là, de se faire des défis, de se sentir seuls au monde, en pleine nature, au milieu des marmottes.

Si un jour le Tour de France va au Mont Colombis ou à l’Artzamendi, je n’y serai pour rien, mais je me dirai peut-être : « J’ai été parmi les premiers à en parler. »


Sur Vélofuté, on a un indice de difficulté des cols, et dans notre top, on a par exemple le col du Sabot, juste derrière la Tougnète. Tu expliques très bien dans le livre ces histoires de “vagues” très raides, comme au col de la Loze. Qu’est-ce que tu as pensé de la Tougnète par rapport à ça ?

En termes de pente pure, elle est dans mon top 3, avec l’Artzamendi et le Mont-Colombis.

La Tougnète, c’est une succession de murs incroyables. Certains passages flirtent avec les 25 %. J’ai même dû déchausser tant c’était raide.

Mais c’est un col magnifique, très sauvage, presque irréel par moments. Sportivement, il est redoutable.


col de la tougnète
Les tobboggans de la Tougnète

Dans ce tome, tu parles de Mont Colombis, Moutière, Touniette, Sabot… Si tu devais en choisir un pour une arrivée du Tour de France, ce serait lequel ?

Pour le spectacle, je dirais le Mont Colombis.

Rudy Molard me l’a vraiment vendu : son père vit à Embrun, il connaît le coin par cœur. Il m’a dit : « Fais le Mont Colombis, c’est un monstre. » Je n’en avais jamais entendu parler. Je n’ai pas été déçu : c’est très dur, avec beaucoup de variations de pente, une route étroite, et une arrivée qui serait spectaculaire.

Il n’y a pas énormément de place en haut, la route n’est pas très large, mais on a déjà vu avec le Granon ou d’autres que, quand ils veulent, les organisateurs savent faire.

Si je devais choisir trois cols que je rêve de voir sur le Tour, ce serait :

  • l’Artzamendi,

  • le Mont Colombis,

  • et la Tougnète.


On en est au troisième tome. Est-ce que tu envisages un tome 4, ou tu le vois vraiment comme la fin d’une trilogie ?

Franchement, je ne l’envisage pas. Je pense que ce tome 3 boucle bien l’ensemble.

Dans celui-là, il n’y a pas de “petits cols” pour tirer à la ligne. Spandelles est dur, Superbagnères a été une vraie surprise, très belle et exigeante. Pour moi, il n’y a que des grands cols, chacun à leur façon.

Si un jour il y avait un tome 4, il faudrait aller soit beaucoup plus à l’étranger, soit dans des cols totalement méconnus. Mais pour l’instant, je n’ai pas ce projet en tête.


On a beaucoup parlé des Alpes et des “nouveaux” cols. Côté Pyrénées, tu décris des petits cols très raides – Agnès, Bagargui, Spandelles… Quelles différences tu vois entre Pyrénées et Alpes, au-delà de la longueur, et est-ce que tu as une préférence personnelle ?

Les Pyrénées, c’est souvent des routes plus calmes, un bitume moins parfait, et des pourcentages très sévères, même sur des “petits” cols.Bagargui, par exemple, que vous aviez évoqué sur votre site, est monstrueux : quatre kilomètres à plus de 10 %. Très peu de gens le connaissent.Agnès, c’est la même logique : un col court en apparence, mais tu es quasiment tout le temps entre 8 et 10 %. Ça pique.

Bruno Armirail et Lilian Calmejane le disent très bien dans le livre : les Pyrénées, c’est plus nature, plus préservé, presque d’un autre temps. Par endroits, tu as l’impression que rien n’a bougé depuis 80 ans. À l’Aubisque, en partant de Laruns, tu sens ce côté rural et sauvage.

En termes de beauté, j’ai d’ailleurs une petite préférence pour les Pyrénées. Le Mercantour s’en rapproche, mais les Pyrénées ont ce charme “à taille humaine” : la Hourquette d’Ancizan, l’Aspin, Cap-de-Long, le Port de Pailhères… Ce ne sont pas les cathédrales alpines, mais c’est magnifique.

Les Alpes, c’est plus monumental, plus grandiose : Croix de Fer, Agnel, Stelvio… Mais les Pyrénées ont quelque chose de plus intime, plus attachant. Si je dois trancher, je choisis les Pyrénées.


Maintenant que cette trilogie semble bouclée, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ? Tu as encore des défis en tête ?

De ne pas m’endormir sur mes lauriers et de continuer à rouler, déjà.

J’ai envie de me donner des défis plus “personnels” :

  • traverser les Pyrénées,

  • traverser les Alpes,

  • aller explorer davantage les cols italiens, les Dolomites…

L’idée serait de le faire pour moi, gratuitement, sans contrainte de livre derrière. Parce que pour les livres, je montais les cols en parlant dans le dictaphone, en prenant des notes, en réfléchissant déjà à l’écriture. C’est passionnant, mais tu restes dans un exercice journalistique.

Là, j’aimerais me faire une aventure vraiment pour moi, peut-être en gravel, en mode exploration, sans autre objectif que de découvrir encore des cols. J’ai “seulement” 50 ans, j’ai encore pas mal de choses à voir !


Tu imagines de nouveaux formats autour des cols – vidéos, podcasts, recos filmées – ou ce n’est pas d’actualité ?

C’est une idée, oui. Beaucoup de gens nous disent qu’ils regrettent les reconnaissances qu’on faisait avec Thomas, et nous demandent quand on recommence. C’était vraiment chouette à faire.

Pourquoi pas un jour faire des choses en vidéo, en allant à la rencontre de gens sur la route des cols… Il y en a déjà qui le font très bien sur Internet. On verra. Ce n’est pas un projet concret pour l’instant, mais ce n’est pas exclu.



Un grand merci à Nico pour sa gentillesse et sa bienveillance :)



ree



Retrouvez le livre Col de Légende Tome 3 sur les boutiques en ligne.


  • X
  • Facebook
  • Youtube
bottom of page