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Manifestations contre Israël Premier Tech sur la Vuelta 2025 – Analyse d’une situation intenable

Les manifestations à l’encontre de la formation Israël Premier Tech se multiplient et ont même conduit l’organisation de la Vuelta 2025 à raccourcir la 11e étape mercredi, ne pouvant pas garantir la sécurité des coureurs sur les 3 derniers kilomètres. La tension monte au sein du peloton et certains demandent l’exclusion de l’équipe de Sylvan Adams. Voici notre analyse de la situation.


Manifestations contre Israel Premier Tech – Analyse d’une situation intenable sur

Le sujet est très épineux, tant la question israélo-palestinienne divise. Nous n’allons pas chercher ici à prendre parti, ni à donner notre avis, mais plutôt à donner des éléments de réponses à plusieurs questions. La politique n’a-t-elle pas sa place dans le sport, qui doit rester neutre et extérieur à quelconque revendication politique ? L’équipe IPT doit-elle être exclue des courses cyclistes, au nom du droit sportif mondial et de la nature du conflit ?


Le sport est-il vraiment apolitique ?

« L’UCI rappelle l’importance fondamentale de la neutralité politique des organisations sportives réunies au sein du mouvement olympique, ainsi que le rôle unificateur et pacificateur du sport ». C’est avec cette phrase que l’UCI a tenu à clarifier la situation, dans un communiqué publié mercredi soir, après l’étape dans le Pays basque. Certes, on ne peut nier le rôle « unificateur et pacificateur » du sport, et les exemples sont bien nombreux. On ne citera ici que le rôle important joué par le Tour de France en accompagnant la construction européenne dans les années 1950-1960, en multipliant les Grands Départs depuis les capitales et grandes villes des pays fondateurs de l’union, comme à Cologne en 1965.

Quant à la « neutralité politique » des organisations sportives et du sport en général, de sérieux doutes peuvent être émis. Il est vrai que le CIO (Comité International Olympique) s’est toujours évertué à rester neutre, sans prendre parti dans aucun conflit. Les différents présidents de l’organisation, comme Avery Brundage (1952-1972), qui a refusé d’annuler la fin des JO de Munich suite à l’attentat contre 11 athlètes israéliens sous prétexte de ne pas politiser le sport. La neutralité semble avoir été franchie lorsque la Russie et la Biélorussie ont été bannies du mouvement olympique en 2022 suite à la guerre d’agression en Ukraine. Une décision belle et bien politique qui, s’il fallait le démontrer, marque la fin de la neutralité des organisations sportives.


Quant au sport au général, il est devenu depuis plusieurs décennies un terrain de jeu idéal pour l’exercice du soft power des Etats du monde entier. Déjà à ses débuts entre 1903 et 1939, le Tour de France était le reflet du nationalisme des Etats. Et plus récemment, de nombreux Etats ont investi dans le sport pour gagner en visibilité, s’adresser au monde, gagner de l’influence dans les relations internationales. Le Qatar serait-il aussi connu s’il ne possédait pas le PSG ? Le Kazakhstan et sa capitale seraient-ils connus de tous sans l’équipe cycliste ? Le football, la Formule 1 et le cyclisme n’ont pas échappé à cette influence croissante du soft power et de la géopolitique mondiale. Nous avons écrit plusieurs articles sur la géopolitique dans le cyclisme, et les ouvrages à ce sujet ne manquent pas.


PSG et le Qatar, meilleur exemple de Soft Power
PSG et le Qatar, meilleur exemple de Soft Power

Que recherche Israël en sponsorisant l’équipe Israël Premier Tech ?

Le cyclisme est un des meilleurs sports pour réaliser des investissements de soft power, puisque cela peut prendre plusieurs formes : l’organisation d’une course, ou le sponsoring d’une équipe. La 1ère forme est idéale pour mettre en valeur les paysages d’un pays, valoriser son territoire pour dynamiser le tourisme (le Tour de France n’est-il pas la meilleure publicité pour notre pays ?). La seconde est plus puissante : en donnant son nom à une équipe, un Etat a la garantie que son nom soit visible de janvier à octobre, soit associé à des victoires ou réussites sportives qui touchent le monde entier. Bref, un vecteur idéal.


Outre Israël, de nombreux pays ont investi le peloton mondial : les pays du Golfe notamment (Emirats Arabes Unis, Bahreïn, Arabie Saoudite), mais aussi le Kazakhstan, pour ne citer qu’eux.  Pour tous ces pays, qui ont investi directement dans une équipe ou une course, les objectifs sont clairs : améliorer la visibilité du pays, en renvoyer une image positive en s’associant à des champions, une mobilité durable, et gagner du poids dans la sphère sportive et, par extension, politique. Pour Israël, il est important d’apporter une nuance. Contrairement aux autres pays précédemment cités, l’équipe Israël Premier Tech n’est pas détenue par l’Etat israélien ou quelconque organe national, mais par plusieurs personnes, dont un les représente : Sylvan Adams. Ce dernier est un milliardaire Israélo-Canadien, co-fondateur de l’équipe et connu pour être un proche du chef d’Etat israélien Benjamin Netanyahou. Malgré cette proximité, il faut tout de même souligner que, contrairement aux autres équipes, IPT n’est pas utilisée comme un « outil » de marketing, communication ou propagande étatique. Un point qui a son importance. Néanmoins, en associant le nom d’Israël à son équipe, Adams sait ce qu’il fait. Celui qui se présentait en 2020 comme un « ambassadeur autoproclamé d’Israël » à L’Equipe, souhaite bien utiliser l’équipe comme outil de soft power pour améliorer l’image de son pays. « Le pays est mal perçu par la population mondiale, expliquait-il à l’Equipe. Les gens ne voient pas le portait d’Israël que je connais. Ce n’est pas une zone de guerre mais un pays ouvert et tolérant, diversifié ». L’intérêt géopolitique de ce sponsoring est donc indéniable.


Quelle jurisprudence ? Revue des cas d’exclusion d’équipes ou de nations dans le sport

Maintenant que l’on a souligné la politisation du sport et la dimension politique du sponsoring de l’équipe Israël Premier Tech, il faut s’intéresser à des cas similaires pour prendre du recul sur la situation. Par le passé, plusieurs cas d’exclusion de nations des épreuves sportives ont eu lieu, pour des raisons différentes à chaque fois.


  • L’Afrique du Sud

C’est probablement le cas le plus marquant de l’histoire du sport. En 1962, pour condamner le régime d’apartheid, une politique ségrégative qui définissait le statut social et le rattachement territorial d’un individu selon son statut racial, le CIO a pris la décision d’exclure l’Afrique du Sud de toutes les éditions des Jeux Olympiques jusqu’en 1992. 30 ans d’exclusion et une décision très politique, qui s’est étendue au-delà de l’Afrique du Sud. En 1976, de nombreux pays, notamment africains, ont boycotté les Jeux de Montréal pour protester contre la présence de la Nouvelle-Zélande, qui avait disputé plus tôt un match de rugby sur le sol sud-africain, ce qui était alors proscrit.


La lutte de Mandela contre l'Apartheid
La lutte de Mandela contre l'Apartheid

  • La Russie en 2017

La première exclusion de la Russie du sport mondial n’est pas liée à sa politique extérieure, mais à l’immense scandale de dopage institutionnel organisé par le système russe entre 2011 et 2015, dévoilé par la chaîne publique allemande ARD en 2014. Suite aux nombreuses enquêtes menées et au rapport McLaren, l’Agence Mondiale Antidopage décide en décembre 2019 d’exclure la Russie des JO 2020 et 2022, ainsi que d’interdire l’organisation de compétitions internationales sur le sol russe. Les athlètes russes ont pu participer sous bannière neutre, mais aucun symbole russe ne devait être visible (hymne, drapeau).


  • La Russie et la Biélorussie depuis 2022

C’est le dernier exemple en date et probablement le plus parlant : l’exclusion de la Russie et de son alliée, la Biélorussie, du sport mondial. En février 2022, l’armée russe envahit des territoires ukrainiens dans le cadre d’une véritable « guerre d’agression » (concept utilisé pour définir un conflit militaire ayant pour objectif l’expansion territoriale et la domination des populations et non l’autodéfense). La réaction des organisations sportives ne se fait pas attendre et le CIO, la FIFA, l’UEFA décident immédiatement de l’exclusion de la Russie de toutes leurs compétitions sportives. Une décision qui s’applique encore aujourd’hui. L’UCI leur emboîte le pas, et en mars 2022, la formation Pro Team GazProm-RusVelo, sponsorisée et financée par plusieurs sociétés étatiques russes, est exclue du cyclisme mondiale, et disparait quelques mois plus tard.


Conclusion

Oui, le sport est politisé. Oui, le sponsoring de l’équipe IPT comprenant le nom d’Israël répond à une logique géopolitique et vise à mettre en avant l’Etat hébreu. Mais l’équipe doit-elle connaître le même sort que l’Afrique du Sud, la Russie ou l’équipe Gazprom-RusVelo ? Vous l’avez compris, les situations étaient à chaque fois bien différentes.

"Cela correspond à deux catégories d’actes génocidaires dans le Statut de Rome et la Convention sur le génocide"

Premièrement, contrairement à GazProm-RusVelo, IPT n’est pas détenue par une société étatique israélienne, et peut donc être considérée comme indépendante aux actes du régime. Ensuite, le conflit israélo-palestinien n’a pas été désigné comme une « guerre d’agression », comme l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En revanche, une Commission d’enquête mandatée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a rendu un verdict sanglant sur le conflit : « La Commission a constaté que les autorités israéliennes ont en partie détruit la capacité des Palestiniens à Gaza - en tant que groupe - à faire des enfants, à travers la destruction systématique des soins de santé sexuelle et reproductive », a-t-elle déclaré dans un communiqué. « Cela correspond à deux catégories d’actes génocidaires dans le Statut de Rome et la Convention sur le génocide, y compris le fait d’infliger délibérément des conditions de vie calculées pour entraîner la destruction physique des Palestiniens et d’imposer des mesures visant à empêcher les naissances ».


Avec ces éléments en tête, chacun se fera son avis sur une situation extrêmement complexe. Il est évident que la Vuelta n’est pas compétente pour décider d’une exclusion de l’équipe et que c’est à l’UCI de trancher, ce qu’elle a fait mercredi soir en condamnant les manifestations et réaffirmant son soutien à l’équipe Israël Premier-Tech. Mais est-ce là la fin du feuilleton ? La « pause » depuis jeudi se poursuivra-t-elle ? Si l’équipe a pris la décision de modifier son maillot en retirant le nom d’Israel, elle a réaffirmé sa volonté de garder le même nom. Certains médias, dont L’Equipe, avancent que la dernière étape, dimanche à Madrid, pourrait ne pas avoir lieu en raison des risques de manifestations. Mais cela ne va pas s’arrêter à la Vuelta, et le sujet ne devrait pas s’arrêter à une modification sur le maillot…

2 commentaires

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Alain
08 sept.

En début d'article, on peut lire :

"Nous n’allons pas chercher ici à prendre parti, ni à donner notre avis"


tout cela pour à la fin charger Israël et le traiter de génocidaire.

Quelle hypocrisie.

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Bernard-Henri Lévy
08 sept.
En réponse à

Euh je pense que vous devriez mettre de côté vos émotions lors de votre lecture...

Ils ne font que remettre les déclarations de l'ONU qui sont "plutôt" (pour ne pas dire plus) totalement vraies. C'est plutôt vous qui mettez des œillères et encore je dirais plutôt que vous faites preuve de malhonnêteté intellectuelle affligeante. A bon entendeur.

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