Cyclisme et environnement : le paradoxe du peloton
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Cyclisme et environnement : le paradoxe du peloton

Si le vélo reste un des moyens de transport le plus propre au quotidien, l’empreinte carbone du peloton professionnel est loin d’être négligeable. Chaque saison, des courses sont organisées aux quatre coins de la planète et engendrent un grand nombre de transferts généralement par avions, pour les équipes, les journalistes, et tous les acteurs qui fondent le monde du cyclisme professionnel.


Dans l’ombre d’un Mathieu van der Poel rageur sur le Tour des Flandres, puis derrière un Remco Evenepoel les mains vers le ciel sur Liège-Bastogne-Liège, on apercevait des activistes environnementalistes, avec le slogan « Climate Justice Now » inscrit sur leur t-shirt.


Une prise de conscience individuelle


En 2019, le Canadien Michael Woods s’est intéressé à son impact individuel. En prenant en compte tous les éléments qu’il utilise le long d’une saison (tenue, équipement, transport) à l’aide du calculateur du WWF, il est arrivé à un total de 60 tonnes de CO2. Plus de la moitié de ces émissions sont la conséquence des différents voyages vers les lieux des courses. Cela équivaut à environ trois fois les émissions d’un habitant d’Andorre (lieu où le Canadien réside), et six fois celles d’un citoyen français.

Suite à cette expérience, Woods s’engageait en 2021 à réaliser une saison au bilan carbone neutre. « Je prends régulièrement l’avion pour me rendre à des courses et j’ai un convoi de voitures et de camions qui suit chacun de mes mouvements, écrivait-il sur son site. Je m’assois dans un énorme bus à la fin de chaque étape, et je consomme d’innombrables bouteilles en plastique et produits emballés. Je consomme de grandes quantités de nourriture, y compris de grandes quantités de viande, et j’utilise beaucoup plus de vêtements qu’une personne moyenne [...] Le cyclisme m’a vraiment ouvert les yeux sur la beauté de la planète et je veux faire ma part pour la protéger. » Mais face à l’ampleur du dérèglement climatique, ce type d’actions individuelles n’est pas suffisant.


L’exemple du Tour de France


Les dernières estimations disponibles chiffraient le bilan carbone du Tour de France 2013 à 341 000 tonnes de CO2. Presque ridicule à côté d’une coupe du monde de football ou des jeux olympiques, mais une saison cycliste est longue, comprenant de nombreuses courses et trois Grands Tours L’impact du cyclisme est donc nettement plus important.


Si l’on reste sur l’exemple du Tour de France, la caravane publicitaire et son cortège long de 12 kilomètres, ses 170 véhicules et les plus de 18 millions d’objets distribués chaque année, uniquement à des fins publicitaires a un poids non négligeable… La course en elle-même nécessite un large dispositif de véhicules, que ce soit des voitures, des ambulances, des motos, mais aussi des hélicoptères et des avions en cas de transferts. Un Grand Tour comme la Grande Boucle est l’illustration idéale du paradoxe de nos sociétés modernes.


« Des canaris dans la mine de charbon du sport d’élite... »


Emetteur important de carbone, le cyclisme professionnel est pourtant un des premiers sports à subir les effets du dérèglement climatique.

Suzanne Harter, militante pour le climat au sein de l’Australian Conservation Fondation (ACF) déclara que les « cyclistes sont les canaris dans la mine de charbon du sport d'élite dans un monde qui se réchauffe – ils sont directement exposés à la chaleur croissante et aux conditions météorologiques extrêmes ». Elle allait encore plus loin dans un rapport réalisé en 2020. « Avec le réchauffement de la planète en passe de dépasser les 3°C, l'avenir du cyclisme de haut niveau est sombre si aucune mesure sérieuse n'est prise pour réduire les émissions climatiques ».


Le constat est clair, mais depuis quelques années, des initiatives ont été mises en place pour tenter de réduire l’impact du sport.


Quelques mesures existantes


À l’occasion du Tour de France, une collaboration a été mise en place entre Amaury Sport Organisation (ASO) et les communes traversées par la compétition. Karine Bozzacchi du département RSE d’ASO expliquait que le Tour traverse plus ou moins 750 communes et ce sont « elles qui ont à charge de gérer les déchets ». Mais les quantités de déchets sont loin d’être négligeables : dans les villes étapes, on compte environ trois tonnes de déchets, dont « 50 à 55 % partent au recyclage » selon Karine Bozzacchi. La Communauté d’agglomérations du Ventoux Comtat déclarait en 2012 avoir géré plus de 20 tonnes de déchets, dont plus de vingt mille cannettes et trente mille bouteilles en plastique.

Ces chiffres sont forcément impressionnants, et les efforts décrits ici ne semblent malheureusement pas être à la hauteur.


L’importance de la sensibilisation


Autre initiative, la mise en avant du patrimoine environnemental français par l’organisation de la Grande Boucle, grâce aux sites Natura 2000 de l’Union Européenne. Les organisateurs travaillent également en collaboration avec les collectivités locales et les associations pour identifier les zones sensibles sur le parcours, et prévoir des opérations pour protéger ces espaces. Au sein même de la course, on peut noter l’existence d’initiatives de sensibilisation au tri et au recyclage. ASO participe également à la « Fête du vélo », et aide à la mise en place de pistes cyclables dans les villes-étapes.


Le rôle des organisations, formations et équipementiers


Pour gérer la totalité de la saison, il faut compter sur l’UCI. Depuis le 1er avril 2021, des zones de « collecte » des déchets sont mises en place tous les trente ou quarante kilomètres sur toutes les courses. En cas de jet hors de ces zones, le coureur et son équipe risquent une amende, une pénalité de temps, voire une éviction totale.


Les formations ou équipementiers ont également leur rôle à jouer. En janvier 2020, l’équipe belge Deceuninck – Quick-Step annoncait son intention d’être la première équipe à avoir un bilan carbone neutre. « C’est formidable de voir l’équipe et les sponsors contribuer à un changement positif, même minime, pour l’environnement », écrivait James Knox. Cet objectif a ensuite été repris par d’autres formations, comme EF Education-Easyspot en 2021.

En novembre 2021, les CEO de nombreux équipementiers dont Specialized, Rapha, ou BMC publiaient une lettre ouverte dans laquelle ils s’engageaient à réduire leurs émissions de 50 % d’ici 2030, et d’être totalement neutre en 2100.

Avant le début du 105e Giro d’Italia, EF Education-Easyspot a annoncé que son équipementier, l’entreprise étasunienne Cannondale, a mis au point les premiers bidons 100 % biodégradables du peloton. Étant donné que plus de 630 000 bidons sont utilisés chaque saison par l’ensemble du peloton, l’équipe espère réduire ce total de 34 000 bouteilles. Ces nouveaux bidons sont utilisés depuis le Tour d’Italie par les équipes masculines et féminines d’EF, et Cannondale assure que cette innovation sera accessible aux autres formations du World Tour après 2022.


Lutter contre le « greenwashing »


Cependant, on ne peut nier que certaines entreprises et entités utilisent leur implication dans le cyclisme professionnel pour « verdir » leur image. On peut penser aux polémiques suscitées par l’arrivée du groupe britannique de chimie INEOS et son SUV, mais aussi celle du géant du pétrole Total.

Sur le Tour d’Australie, des initiatives citoyennes tentent de faire pression sur les organisateurs pour rompre leur collaboration avec Santos, entreprise pétrolière australienne, qui donne son nom au Santos Tour Down Under. Le mouvement « Fossil Free » a lancé la campagne #BreakAwayFromGas – « vers un monde sans gaz » en VF - pour pousser Events SA, les organisateurs de cette compétition, à abandonner Santos avant l’édition de 2023.


Que ce soit par des attaques lointaines, des sprints surpuissants ou simplement le courage de ces athlètes qui bravent les conditions météorologiques ou chutes parfois terribles, ce sport a tout pour faire rêver. Mais pour pouvoir continuer à exister, il faut agir, que ce soit à l’intérieur de ce monde (en prenant des actions et ainsi montrer l’exemple et sensibiliser) ou à l’échelle globale.

Comme le soulignait le dernier volet du rapport du GIEC, si l’on veut continuer à profiter de ces sources de plaisir, il est nécessaire pour tous de prendre des actions. Et le cyclisme professionnel en a besoin.


Quelles solutions pour le peloton ?


Que peut faire l'UCI pour réduire son impact environnemental ?


- Créer une cohérence dans le calendrier : par exemple, aller rouler en Australie une fois dans l'année. Organiser le calendrier nord américain sur un mois en regroupant toutes les courses sur la même période. Idem pour le calendrier asiatique ou africain pour limiter les déplacements. Si cela existe déjà un peu, cela peut encore être amélioré.


- Réduire les départs en GT de l'étranger comme un départ des Pays Bas pour la Vuelta ou d'Israël pour le Giro, avec toute la logistique que cela implique.


- Réduire la distance entre les villes départs et arrivées sur les GT pour diminuer le temps de transport et éviter les transferts en avion.


- Réduire le nombre de véhicules de l'organisation


- Utiliser des drones plutôt que des hélicoptères


- Changer le fonctionnement de la caravane publicitaire qui regroupe un nombre de véhicules faramineux. Et réduire la quantité de Goodies inutiles en majorité. Avec tout le plastique qu’il peut y avoir.


Par Dorian Vidal


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