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Fusion et acquisition de Soudal QuickStep par Ineos : Fiction ou réalité ?

Depuis plusieurs semaines, et notamment l'ouverture du marché des transferts le 1er aout, des rumeurs circulent en Belgique sur une possible vente de la structure Soudal Quick-Step. L'hypothèse d'une reprise par Ineos Grenadiers en a découlé. D'où vient-elle ? Est-ce envisageable ? Analyse d'un des dossiers chauds de la fin d'année.

Fusion Ineos - Soudal Quick Step est-elle possible ?

Par Romain Bougourd et Titouan Lallemand


Il y a un an, personne n'aurait imaginé un tel débat. La formation Ineos faisait partie du top 3 mondial et Quick Step venait de remporter la Vuelta ou La Doyenne grâce à Remco Evenepoel. Seulement voilà, depuis, plusieurs évènements sont intervenus et ont bousculé les certitudes, jusqu'à ce que la rumeur d'une fusion intervienne.


Pourquoi ce débat ?


Ce débat est apparu et s’est renforcé ces dernières semaines pour deux principales raisons. En juillet dernier, le quotidien néerlandais Algemeen Dagblad avançait que Patrick Lefevere, directeur général de l’équipe Soudal Quick-Step cherchait à se défaire de la formation fondée qu’il a lui-même fondée en 2003 sous le nom Quick Step-Davitamon. S’il a plus ou moins démenti ces informations dans la foulée, cette information a fait son cours. D’autant plus que l’ouverture du marché des transferts, le 1er août, a renforcé le sujet. Avec de nombreux départs enregistrés, notamment de coureurs majeurs comme Fabio Jakobsen, SOQ ne compte actuellement que 20 coureurs sous contrat en 2024. Ce qui reste beaucoup à côté des 15 cyclistes qui forment l’effectif d’Ineos Grenadiers l’an prochain. A elles deux, les formations comptent donc 35 coureurs, soit à peine plus que le maximum autorisé pour une formation World Tour (30). Enfin, ajoutez à cela les rumeurs d’un départ de Remco Evenepoel chez les Britanniques, la signature avortée de Tobias Foss chez Ineos ou encore un possible départ de Luke Plapp, et vous obtenez un sujet chaud qui enfle de plus en plus. Mais une vente de Soudal QuickStep est-elle possible ?


A quoi ressemble financièrement l’entité de Soudal Quick Step ?


Contrairement à certaines équipes du peloton comme Uno X ou Ineos Grenadiers, Soudal QuickStep n’appartient pas à ses sponsors. L’équipe est en réalité une entité juridique appelée Decolef Lux SARL, domiciliée à Strassen au Luxembourg. Cette entité, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 24,3 millions d’euros en 2021, est la propriété de la holding « Pro Cycling SARL ». Patrick Lefevere, fondateur et directeur de l’entreprise, en détient 20% des parts, et les 80% restants sont détenus par l’homme d’affaires tchèque Zdenek Bakala. Ce dernier, qui est aujourd’hui une des plus grandes fortunes de République Tchèque, possède un portefeuille varié de sociétés : Karbon Invest (exploitation houillère basée à Ostrava), l’hebdomadaire Respekt, le fabricant de liqueur Becherovka ou encore la société de restauration Hartig. Bref, un beau panel d’investissements. Bakala a investi dans la société en 2011 avec l’objectif annoncé de gagner de nouveaux Monuments et de nombreux succès. Malgré notre demande auprès de sources qui ont suivi le dossier, le montant de l’investissement de l’époque n’a pas été dévoilé. Mais le profil d’investisseur cache un autre objectif, celui de réaliser une plus-value à la revente après un certain nombre d’années. Et dans le secteur du M&A (Mergers and Acquisitions, ou fusions et acquisitions en bon français), les cycles d’investissement sont souvent de 5-10 ans avant de revendre une entité acquise. Le timing semble donc parfait pour céder son entreprise, d’autant qu’Ineos Grenadiers a le profil idoine pour prendre la suite de Bakala et de Lefevere.


Ineos Grenadier est une marque de véhicule 4x4 tout terrain du groupe Ineos. Plus précisément, c’est une marque de la division « Ineos Automotive », une des nombreuses branches du groupe pétrochimique Ineos, qui génère plus de 80 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Surtout, le groupe a entamé depuis 2018 une stratégie d’investissement massif dans le sport pour promouvoir sa marque : en cyclisme donc, mais également en football (OGC Nice), en voile ou en Formule 1. Le groupe est un adepte du M&A, comme le montre l’achat de la structure du Team Sky en 2018. Alors que l’équipe britannique a remporté 12 GTs depuis 2012, elle ne compte plus dans ses rangs de top coureur capable de remporter une course de trois semaines face à Vingegaard, Pogacar, Roglic ou Evenepoel. L’acquisition de Soudal QuickStep, équipe du prodige belge, serait donc une bonne façon de rebondir.


Quels scenarii possibles ?


  • Scénario 1 : le statu quo

Le premier scénario à imaginer n'est autre qu’un simple statu quo. Ineos Grenadiers a simplement besoin de dégraisser pour rebâtir un effectif plus jeune. Quant à Soudal Quick Step, l’équipe belge va sûrement annoncer les prolongations de Van Lerberghe, Sénéchal ou Vansevenant et continuer de recruter autour de Remco Evenepoel. Et finalement, nous aurons comme prévu Quick Step et Ineos dans le peloton en 2024.


  • Scénario 2 : la fusion entre les deux équipes

Le second scénario, celui qu'on évoque dans cet article, est donc une fusion des deux équipes. Dans ce scénario existent plusieurs cas de figure : celui d’une Joint-Venture ou d'une fusion pure et dure (les deux entités fusionnent en fournissant un budget semblable pour ne former qu’une seule et même entité). Il faudrait alors dégraisser tous les postes en double (staff, administratif), s’aligner sur les contrats fournisseurs, etc. Un cas de figure cependant peu probable. Le second serait en revanche l’acquisition de Soudal QuickStep par Ineos Grenadiers. Lefevere et Bakala revendraient leurs parts au groupe Ineos après l’établissement d’une valeur d’entreprise. Pour cela, plusieurs méthodes peuvent être appliquées (multiplier le résultat net par un coefficient spécifique, calculer les actifs et passifs, valeur boursière, etc.). Lors des questions de la presse, Lefévère évoquait un montant de 15 millions d’euros, une valeur a priori plausible compte tenu des finances de la structure. Mais ici aussi, ce cas de figure n’est pas le plus probable, comme l’a expliqué le patron belge en juillet dernier : « Il [Zdenek Bakala] est plus intéressé par quelqu’un qui achèterait des parts et ferait une augmentation de capital pour faire entrer quelques millions d’euros ». Pas question donc d’une vente totale de la structure pour fusion, même si Lefévère reste à l’écoute de potentiels acheteurs (il en aurait même rencontré cinq, sans que cela ne donne suite).


  • Scénario 3 : Ineos rentre dans l’actionnariat de Soudal QuickStep

Ce qui nous amène à notre 3e cas de figure, le plus crédible, celui d’une prise de participation d’Ineos au sein de Decolef Lux SARL. Dans ce cas, plusieurs possibilités sont à envisager. A 68 ans, Patrick Lefévère pourrait décider de revendre ses parts à Ineos. Mais Ineos peut également s’intégrer dans l’actionnariat en réalisant un apport en capital de la société et récupérer des parts qui dépendent du pourcentage que le nouvel actionnaire a apporté sur la valeur totale de l’entreprise (exemple : si l’entreprise vaut 15 millions d’euros, et qu’Ineos investi à hauteur de 15 millions d’euros, alors il possèderait 50% des parts). Dans ce scénario, les deux équipes continueraient d’exister, mais avec un actionnaire commun. Ce modèle est déjà présent dans le football (comme le groupe Red Bull qui possède les clubs de Salzbourg, Leipzig et New York) ou en formule 1 avec le même groupe Red Bull. Ineos aurait donc toute liberté pour effectuer des transferts de coureurs entre les deux équipes.


Seule interrogation : est-il autorisé de détenir des parts dans deux équipes cyclistes de la division World Tour ? A ce stade et malgré nos recherches, aucun article de ce genre n’est stipulé dans le règlement de l’UCI. Si Leipzig et Salzbourg ont pu participer à la Ligue des champions en football, ce n’est pas le cas dans d’autres sports, comme en rugby. Dans tous les cas, il s’agirait d’une grande première dans le cyclisme du 21e siècle. Car comme le disait Remco Evenepoel à nos confrères de Lanterne Rouge, « le cyclisme n’est pas le football ». Ou du moins, pas pour l’instant…

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