A peine un an mais déjà des étoiles plein les yeux. Voilà comment on pourrait résumer la première édition du Tour de France Femmes avec Zwift l’an dernier. Une réussite dont Marion Rousse s’est félicitée à notre micro à l’occasion du J-100 de l’édition 2023. Mais la directrice de l’épreuve a conscience du chemin qu’il reste à parcourir pour réussir l’objectif tant recherché : pérenniser la course.
Une seule édition du Tour de France Femmes avec Zwift jusqu’ici mais une édition franchement réussie. En tant que directrice, on suppose que cela vous rend très fière.
Oui, fière bien sûr de cette première édition réussie. On avait vraiment tous les ingrédients de réunis pour que ce soit un vrai Tour de France et, ça, les gens l’ont bien compris. D’un point de vue sportif, ça a été exceptionnel sur chaque étape, le public s'est déplacé au bord des routes, on sentait que c'était l'atmosphère Tour de France, la caravane était présente, etc… Tout comme les téléspectateurs derrière leur télévision ! Les chiffres d’audience (20 millions de téléspectateurs, soit 2,2 millions par jour et plus de 26% de parts d’audience) sont impressionnants, ça a vraiment été une 4e semaine du feuilleton du mois de juillet que l’on adore suivre et que l'on adorera suivre encore les prochaines années.
Pensez-vous que la réussite de ce premier "Tour de France Femmes avec Zwift" vienne plus du nom "Tour de France" ou est-ce une preuve d’un engouement nouveau pour le cyclisme féminin ?
Il y a un peu de tout. Evidemment que l'appellation "Tour de France" fait que c’est une course différente des autres… C'est une course à part, la caisse de résonance n'est pas la même et c'est pour ça que c'est la plus belle course au monde, tout simplement. Mais la réussite de cette première édition tient aussi à l’évolution du cyclisme féminin, au niveau des filles, au fait qu’elles offrent des courses hyper intéressantes à suivre. On parle beaucoup du Tour de France Femmes avec Zwift, mais quand on voit encore la dernière édition du Paris Roubaix femmes, la course a été exceptionnelle. Evidemment que ça va aller en s’accentuant, parce que des partenaires vont vouloir aussi investir dans le cyclisme féminin, des gens qui ne connaissaient pas forcément le cyclisme féminin avant et qui l'ont découvert cet été. C'était notre force de frappe et on en a profité.
Vous parliez du Paris-Roubaix d’il y a quelques jours. On en a énormément parlé sur les réseaux sociaux, beaucoup ont même trouvé la course meilleure que chez les messieurs. On sent qu'il y a un œil nouveau sur le cyclisme féminin.
Oui et, surtout, les gens l'abordent dans les mêmes conditions que le sport masculin. Maintenant, les filles sont de plus en plus connues, reconnues, on a des favorites au départ. Tu n’as plus cet a priori de te dire que ce sont des femmes ou des hommes. Quand tu regardes Paris-Roubaix, c'est Paris-Roubaix. Quand tu regardes le Tour de France, c'est le Tour de France.
Que ce soient les femmes ou les hommes, on voit finalement assez peu la différence. Ça reste du cyclisme.
Exactement. C'est une même passion qui nous relie, qui nous réunit. Il y a les mêmes codes, que ce soit chez les femmes ou chez les hommes. On assiste à des courses magnifiques, et moi-même je le sais étant consultante, je me régale que ce soient des femmes ou des hommes, on a quand même un sport de dingue. Avec des champions aussi qui participent au fait que c’est de plus en plus intéressant à suivre. Quand t’as des Pogacar qui attaquent à plus 100 km de l'arrivée, quand t’as des Van Vleuten qui font le spectacle, des équipes comme Trek-Segafredo qui dynamisent la course ou la SD Work avec Lotte Kopecky qui est exceptionnelle… tu ne peux qu’être ravie. Et fier en plus, moi, d'être directrice du Tour de France femmes avec Zwift.
Ce développement du cyclisme féminin, ça ne te donne pas envie de retourner sur le vélo ?
Moi je suis bien dans la voiture… (Rires) Non, évidemment que ça me donne plus envie de reprendre mon vélo pour aller m'entraîner. Mais, il faut un temps pour tout. Je pense que je suis plus utile à être à ma place que d'être dans l'anonymat d'un peloton.
Quand on voit les difficultés du foot féminin à trouver un diffuseur en France pour la Coupe du monde, le cyclisme – et surtout le Tour de France - a France Télévisions et Eurosport. C’est une chance, non ?
Le Tour de France, ce qui fait sa force, c'est que tout le monde peut le regarder. C'est une chaîne publique. Il faut que ça le reste, parce que c'est un événement gratuit à ciel ouvert. Les gens peuvent se déplacer, peuvent regarder derrière leur télé, ils voyagent aussi à travers le paysage que peut leur offrir le Tour de France. Le Tour, c'est bien plus qu'une course de vélo, c'est un monument qu'il faut protéger et préserver. Evidemment, on a aussi la chance d’avoir tout au long de l'année une chaine privée comme Eurosport qui sont les spécialistes vélo et qui diffusent toutes les courses hommes mais également femmes et que j'ai plaisir aussi à écouter.
Qu’est-ce que vous pourriez faire de plus pour ce Tour de France Femmes avec Zwift à l’avenir, pour qu’il grandisse encore plus ?
Il va déjà surtout falloir faire attention à ne pas aller trop vite. Il faut aller au même rythme que le cyclisme féminin parce que, sinon, on va droit dans le mur. Or, nous, on a envie encore d'exister dans 100 ans. Il faut être prudent, y aller pas à pas mais je pense que la base est solide. On s'est imposé dans le quotidien des gens pour la première édition et les gens nous ont adopté. Ça a été la plus grosse marche à franchir et, maintenant, le cap est passé. On a pris le bon chemin, maintenant il faut déjà pérenniser l'épreuve, et continuer d’évoluer au même rythme que le cyclisme féminin.
Est-ce que tu puises dans les échecs de tes prédécesseurs des différents Tour féminins pour éviter de connaitre pareil échec ?
Il y a eu des Tours de France Femmes mais qui n’ont jamais perduré. C’est qu’il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas. On ne veut surtout pas revivre ce que les autres cyclistes femmes ont vécu. Mais je pense que le Tour de France Femmes est reparti au bon moment, alors que le cyclisme féminin avait déjà un peu évolué et que l’on avait l'habitude de le voir aussi à la télévision. Toutes les parties avaient l'envie et la même volonté d'avoir un coup de projecteur sur la discipline donc toutes les conditions étaient réunies pour ça fonctionne. Mais on reste très prudent.
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